Le sauvetage de la Grèce a été décidé par les dirigeants de l'Union européenne grâce à un accord à l'arraché. La crainte d'une contagion de la défiance des marchés à l'endroit des économies les plus fragiles de la zone euro, notamment celles de l'Italie et de l'Espagne, a joué. Les conditions du plan d'aide financé par l'Europe et le FMI, à hauteur de 109 milliards d'euros, sont bien moins drastiques que celles qui avaient été envisagées au départ. La durée des nouveaux comme des anciens prêts est portée de sept ans et demi à quinze ans. Le taux d'intérêt est ramené dans une fourchette entre 3,5% et 4% correspondant à la mutualisation des taux des pays européens prêteurs contre près de 6% actuellement. Les mêmes conditions seront accordées au Portugal et à l'Irlande, eux aussi sous perfusion financière européenne. La main de fer qui étranglait Athènes se desserre : la restructuration de l'économie et la résorption des déficits de ce pays pourront s'effectuer à un rythme beaucoup plus réaliste que les trois années qui avaient été concédées au départ par les créanciers. Mais les grands vainqueurs du plan sont incontestablement les marchés financiers. Les représentants des banques ont participé avec les dirigeants politiques à l'élaboration du schéma d'assistance à la Grèce. Deux présidents de banque, un allemand et un français, ainsi que le représentant de l'Institut de la finance internationale (IFI), représentant environ 400 créanciers privés, ont marqué de leur empreinte l'accord « historique » contenu dans la déclaration du 21 juillet des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE. Les banques pourront donc opter pour une ou plusieurs formes de contribution « volontaire » au refinancement de la dette hellène. C'est bien cette notion de volontariat qui fait la différence entre un reprofilage et le processus bien connu de rééchelonnement de la dette. De fait, les banques pourront participer au plan avec des obligations à plus long terme, ou choisir de maintenir leur position vis-à-vis de ce pays en s'engageant sur des durées identiques, ou en vendant des obligations grecques moyennant une certaine décote. L'IFI recommande aux banques d'échanger leurs créances qui viennent à maturité dans la période allant jusqu'à 2020, contre le rachat de nouvelles obligations à trente ans, garanties par les titres européens les mieux notés. La préconisation de l'IFI favorise les banques en adossant leurs engagements à une assurance de tout premier ordre : cette option, qui correspond à un transfert du risque du secteur privé vers le public, bénéficie de la garantie, in fine, de l'Union européenne. Même si elles doivent assumer une certaine dévalorisation de leurs actifs, les banques peuvent décidément sabler le champagne : dans le plan d'aide à la Grèce, il n'est pas question de taxation des banques, ni du renforcement de la régulation bancaire, ni d'encadrement des activités spéculatives. Pour rassurer les marchés quant à une gestion vertueuse, les dirigeants européens s'engagent unanimement à ramener à brève échéance, avant 2013, leurs déficits à 3% du PIB. Cette «vertueuse» décision est lourde de sens en terme de rigueur et donc de réduction des dépenses publiques dans un contexte de croissance fragile et de chômage important. Pour de nombreux économistes, le plan, qui fait la part belle aux banques, maintient l'impasse sur la nécessaire convergence des politiques fiscales notamment. Reste à savoir si ce programme permettra de réduire la tension sur les marchés en évitant une nouvelle flambée spéculative, qui, en atteignant des économies plus importantes que celle de la Grèce, poserait directement la question de la viabilité de l'euro dans sa composante actuelle.