Depuis près de dix ans que l'université de Jiao Tong (Shanghai) publie son top 500 des meilleures universités du monde, on a appris à n'y voir qu'une confirmation de l'extrême faiblesse des universités algériennes et maghrébines en général. Dans le classement de cette année, ceux qui aiment s'aveugler peuvent chercher consolation dans le fait que les universités tunisiennes et marocaines ne font pas partie des élus. On s'offrirait des consolations puériles si on s'y arrêtait. Que des universités de Malaisie et Singapour soient présentes dans la crème des universités mondiales, cela n'était pas surprenant. Ce sont des pays qui se trouvent dans une Asie qui a compris depuis longtemps que la maîtrise du savoir est primordiale et qui est en train de changer l'ordre du monde et de déplacer doucement son centre... Ces pays ont mené des politiques basées sur l'amélioration des connaissances, la professionnalisation et la systématisation des bonnes pratiques dans l'ensemble des secteurs. La maîtrise des sciences et de la technologie était considérée à juste titre comme vitale pour l'avenir. Le classement de 2011 confirme ce glissement. L'ARWU (Academic Ranking of World Universities) a beau être décrié et contesté, il sert d'aiguillon pour les universités et les autorités académiques des grands pays. Il est aussi un indicateur de la bonne santé des nations concernées. Quand on observe que 17 universités sur les 20 premières sont américaines, cela relativise considérablement les discours sur le déclin présumé de la puissance économique américaine. Même si les informations sur l'économie US ne sont pas bonnes ces derniers temps, cette performance des universités montre clairement que les raisons de la suprématie américaine sont durables. Pour les pays développés et émergents, ne pas faire partie du top 500 est jugé comme une catastrophe, la perte d'un ou deux rangs a valeur d'avertissement. Cette année par exemple, les médias français se désolent du recul de leur pays dans le classement. Les critiques sur les critères retenus par l'université de Shanghai, qui privilégierait la recherche sur l'enseignement, paraissent quelque peu spécieuses. Il est presque certain que les universités performantes en matière de recherche le sont aussi dans le domaine de la qualité de l'enseignement prodigué Mais, pourrait-on dire, c'est une discussion qui ne concerne que les autres On accepte comme « normale » l'idée de ne trouver aucune université du pays dans la liste des 500 universités élues. Pourtant, la cuvée 2011 devrait nous contraindre à cesser d'observer le classement de l'université de Jiao Tong comme quelque chose de lointain qui ne nous concerne pas Comme s'il s'agissait de l'exploration de Mars qui ne nous concerne qu'en tant que consommateurs d'informations. Quand deux universités saoudiennes se retrouvent dans les 300 et les 400 premières universités du monde, tout comme l'Iran, le classement cesse d'être cette chose étrangère et lointaine. Cela montre que deux pays considérés comme des modèles de rigorisme religieux et politique peuvent avoir des universités performantes. On est désormais dans le domaine du comparable. On ne peut plus dire que le classement de Shanghai ne nous concerne pas.