Il était presque 11h quand les habitants de Cherchell ont commencé à descendre vers le marché de la ville. Au regard des groupes de personnes qui se formaient à chaque coin de rue, les commentaires sur les attentats de la veille allaient bon train. « Regardez, ils n'ont même pas pensé à placer un policier à l'intérieur du marché, c'est une catastrophe ! », s'inquiète un citoyen. Il rappelle surtout qu'il y a une vingtaine de jours, « les gens commençaient à parler d'attentats terroristes imminents, la ville n'avait que ça comme discussions, il est curieux que les autorités n'aient pas pensé à renforcer le dispositif sécuritaire notamment du côté de l'académie et du mess devant lesquels tout le monde pouvait passer sans problèmes », nous dit-il. Nombreux sont ceux des habitants qui se demandent « comment que ça se fait que la centaine de caméras placées tout autour de l'académie n'a pas détecté le va-et-vient des personnes étrangères à ces endroits ». Nos interlocuteurs sont ainsi persuadés - tout autant que les responsables d'ailleurs - que ces deux attentats ont été préparés minutieusement et qu'il fallait à ceux qui les ont commis de revenir plusieurs fois sur les lieux avant de commettre leur forfait. L'on dit même que le kamikaze qui est rentré à pied à l'intérieur du mess était un habitué des cuisines. « Attendons de connaître les premiers résultats de l'enquête », nous dit l'un des responsables que nous avons contacté même s'il partage largement la teneur de ces propos. La présence importante des responsables de la gendarmerie nationale laisse voir que les enquêteurs ont commencé leur travail sur fond de grandes et profondes interrogations. Les habitants de Cherchell en outre se rappellent qu'il y a à peine 15 jours, les forces de sécurité ont arrêté, selon eux, «le médecin de celui qui se faisait appeler l'émir de la région». Pour nos interlocuteurs, «les attentats de vendredi soir pourraient être une vengeance ». On dit aussi qu'il y a une semaine, les services de sécurité du Grand Alger, c'est-à-dire à près de 110 km de Cherchell, procédaient au contrôle systématique de toutes les motos. « Ils étaient à la recherche d'une moto bourré d'explosifs », nous dit-on. Vers 11h 30, une voix dans un haut-parleur sillonnait les ruelles - comme à l'ancienne - pour faire part du décès des deux victimes civiles de l'attentat. Au même moment, une ambulance, sirène actionnée, fonçait de l'intérieur de l'académie probablement en direction de l'hôpital de Sidi Ghiles situé à une dizaine de kilomètres de la ville. Sur le chemin de notre retour de Cherchell sur Alger, les montagnes dégageaient de denses fumées noirâtres. Une partie des forêts des alentours était en feu. Ce qui alimentait toute sorte de spéculation et rajoutait à la canicule qui sévit dans la région plus d'effet d'étouffement.