La ville de Cherchell a du mal à renouer avec sa quiétude habituelle, au lendemain de l'attentat kamikaze, le premier acte terroriste sanglant de l'histoire de la ville, perpétré dans la soirée d'avant-hier, contre l'Académie militaire interarmes. La plaie paraît trop profonde. C'est la consternation générale. L'incertitude est visiblement le sentiment qui a regagné les cherchellois. Dans la journée d'hier, les habitants, encore sous le choc, avaient tous la mine défaite. “Franchement, nous sommes démoralisés, anéantis en cette veille de l'Aïd !”, se lamente un cinquantenaire, désabusé, rencontré dans la demeure du défunt H. T., une des deux victimes civiles de l'attentat qui a causé, au total, la mort 18 personnes, 16 militaires et 2 civils. Deux enterrements dans deux quartiers voisins, situés à proximité de l'académie, dans la même ville, 24 heures après un attentat sanglant ! Voilà qui a exacerbé davantage la tristesse de cette ville, connue pourtant pour être l'une des villes les plus gaies du pays, accueillant des centaines de touristes chaque jour. “Allez-y, y a rien avoir, je ne sais rien, je ne comprends rien, retournez !”, c'est le langage des militaires, visiblement encore traumatisés, qui ont tenu à renvoyer hier, tous les passants, piétons et automobilistes, curieux de savoir ce qu'il s'était produit la veille. Toutefois, les gens se sont montrés très compréhensifs et obtempéraient sans trop s'offusquer à leurs ordres. Sans grande panique, les militaires en faction tentent tant bien que mal de se consoler. Pas loin de l'Académie, un flux impressionnant de citoyens faisait le va-et-vient entre les demeures des deux victimes, Hamid Tifas, 44 ans, et Billal Hellal, 25 ans, sises sur deux rues parallèles au centre-ville. Travailleur dans une entreprise à Oran, H. T. était rentré à Cherchell depuis quelques jours pour y terminer le ramadhan et passer l'aïd avec sa famille, raconte son neveu, les yeux larmoyants. Ironie du sort, Hamid sera décédé à trois jours seulement de ce rendez-vous attendu, l'Aïd, au soir du 26e jour de ramadhan, à peine dix minutes après le f'tour. “Oui, nous étions à table ensemble au moment de rompre le jeûne, mais mon oncle a décidé de quitter la table aussitôt qu'il a entendu la première explosion. Et moi, je ne pouvais pas rester sans l'accompagner. À ce moment précis, nous avons tous cru que c'était une explosion de gaz ; ici, il n'y avait jamais eu d'attentat. Mais, une fois dehors, nous avons juste eu le temps de tenter de secourir un militaire blessé, il saignait de partout, soutenu par son collègue près de l'entrée de l'académie. Quand même, nous avons pu sortir un matelas de chez un voisin pour mettre dessus le militaire blessé ; chose qu'on avait réussie, avant que le deuxième kamikaze, bourré de TNT, sur une moto, se lança pour se faire exploser en plein milieu de la foule. Jusqu'à présent, je ne sais par quel miracle je suis encore en vie”, nous a raconté, Amine, la vingtaine a peine amorcée, tout en montrant des garnitures sur son bras essoufflé par la déflagration. Alors que leurs domiciles familiaux grouillaient du monde dès la matinée d'hier, les dépouilles mortelles des deux victimes, les protocoles d'usage hospitaliers obligent, ne devraient cependant pas arriver avant 16h ou 17h. Cherchell enterrera ainsi deux de ses fils et 16 militaires pour le premier attentat de cette ville, connue pour son calme même durant la décennie noire. L'acte abject commis par les hordes terroristes à la veille du 27e du ramadhan sera certainement gravé dans la triste mémoire de l'antique ville romaine. Les cherchellois se souviendront à jamais de ce jour où ils ont rompu de manger à peine après avoir rompu le jeûne ! Pour l'Algérie, le procédé n'est malheureusement pas nouveau, puisqu'un attentat presque similaire a été déjà perpétré pendant ce mois de ramadhan contre un commissariat dans la ville de Tizi Ouzou. L'heure de la réconciliation nationale a-t-elle sonné ?