C'est le clash entre la Syrie et la Ligue arabe qui avait décidé, dans la nuit de samedi à dimanche, au terme d'une réunion extraordinaire des ministres des Affaires étrangères, de dépêcher en urgence son secrétaire général, Nabil Al Arabi,à Damas pour présenter une «initiative pour résoudre la crise». La teneur du communiqué de la Ligue arabe a en effet douché les responsables syriens. Outre la décision de dépêcher la mission d'urgence, les ministres arabes ont appelé «à mettre fin à l'effusion du sang et à suivre la voie de la raison avant qu'il ne soit trop tard». Ils ont également exprimé leur «inquiétude face aux développements graves sur la scène syrienne qui ont fait des milliers de victimes et de blessés». Dans une mise à l'index claire du régime syrien, les chefs de diplomatie arabes ont appelé au respect «du droit du peuple syrien à vivre en sécurité et à respecter ses aspirations légitimes à des réformes politiques et sociales». Le secrétaire général de la Ligue arabe a été encore plus tranchant en estimant «inutile le recours à la force» contre les soulèvements dans le monde arabe». Il a appelé à «réagir positivement aux demandes de la jeunesse arabe», car «la mise en application rapide des projets de réformes» est le moyen efficace pour éviter «des interventions étrangères». Le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil Al Arabi, a indiqué qu'il attendait toujours l'accord de la Syrie pour se rendre à Damas afin de présenter une initiative arabe visant à résoudre la crise dans ce pays. «J'attends la réponse du gouvernement syrien», a-t-il dit à des journalistes, en ajoutant être prêt à se rendre à Damas tout de suite. Il risque d'attendre. Le message de la Ligue arabe, même s'il souligne que la stabilité de la Syrie est un des «principaux facteurs de la stabilité du monde arabe et de l'ensemble de la région», ne pouvait plus mal tomber pour Damas qui est sous pression. Il intervient alors que le président turc s'est dit «déçu» par Damas, en notant que le temps de la réforme est désormais dépassé et alors que la Russie, une des ultimes protections au niveau du Conseil de sécurité, montre des signes d'impatience. Un appel à l'intervention étrangère ? Damas a estimé, dans une note remise par sa délégation, que le communiqué de la Ligue arabe est «une violation (...) claire des principes de la charte de la Ligue et des fondements de l'action arabe conjointe». De manière implicite, en attendant que cela devienne explicite, la Syrie signifie que Nabil Al Arabi et sa mission ne sont pas les bienvenus à Damas. Les délégués syriens se sont insurgés également contre le fait que le communiqué ait été rendu public «bien que la réunion se soit terminée par un accord sur le fait de ne pas publier de communiqué ou faire de déclaration à la presse». La note ajoute que la Syrie agit « comme si ce communiqué n'avait pas été publié, d'autant plus qu'il contient (...) un langage inacceptable et biaisé». Le régime syrien, en proie à une contestation populaire qui reste vive malgré une répression brutale qui a fait plus de 2.000 morts, selon des estimations de l'ONU, semble avoir perçu dans le message de la Ligue arabe un remake de la démarche de l'organisation vis-à-vis de la Libye. Pour rappel, la Ligue arabe avait décidé, en mars dernier, d'appeler le Conseil de sécurité (de l'ONU) «à imposer une zone d'exclusion aérienne pour protéger le peuple libyen». La décision avait été prise avec l'aval de tous les pays membres, à l'exception de l'Algérie et de la Syrie. Cet appel de la Ligue arabe a clairement ouvert la voie à l'adoption de la résolution 1973 les Russes et les Chinois ayant renoncé à faire «moins» que les Arabes et à l'intervention militaire occidentale en Libye. Damas semble avoir perçu dans ce communiqué et dans sa publication le premier pas, selon le précédent libyen, d'une légitimation arabe à une intervention militaire étrangère.