Le gouvernement tunisien a durci le ton hier mardi en annonçant une stricte application de l'état d'urgence et en interdisant toute activité syndicale policière, alors que des éruptions de violences secouent le pays en période de pré-campagne avant l'élection du 23 octobre. «Nous sommes en état d'urgence et le gouvernement va faire appliquer la loi (...) Ce ne sont pas quatre singes qui vont tout faire échouer maintenant»: dans une allocution au ton très ferme, voire brutal, le Premier ministre de transition Béji Caïd Essebsi a annoncé une série de mesures pour rétablir la «sécurité et la stabilité» dans le pays. «J'ai décidé à partir d'aujourd'hui d'interdire toute activité syndicale des forces de sécurité, au vu des dangers que cela représente pour la sécurité du pays», a décrété M. Caïd Essebsi. Cette annonce est intervenue alors que des centaines de policiers manifestaient pour la première fois devant la Kasbah (siège du gouvernement) pour réclamer les démissions du ministre de l'Intérieur Habib Essid et du chef d'état-major de l'armée tunisienne, le général Rachid Ammar. Ils ont accusé le premier d'»ignorer leurs revendications» et le second «d'être derrière les troubles actuels en Tunisie dans le but de prendre le pouvoir». M. Caïd Essebsi a qualifié cette manifestation d'»incitation à l'insurrection». Il a également annoncé une «application stricte de l'état d'urgence», décrété après la chute du président déchu Ben Ali le 14 janvier, et prolongé depuis par décrets successifs, jusqu'au 30 novembre. L'état d'urgence interdit «toutes les manifestations, toutes les grèves et toutes les réunions qui peuvent toucher à la sécurité du pays», a rappelé le Premier ministre. Il a annoncé que «toute personne connue pour des activités touchant à la sécurité intérieure» pourrait être assignée à résidence, et que les gouverneurs des régions verraient leurs prérogatives renforcées. «Le gouvernement ne tolèrera pas les pratiques qui paralysent le quotidien des Tunisiens», a-t-il dit, citant les «blocages de routes», «les attaques de postes de police» ou «les agressions d'agents de sécurité». «Il s'est passé beaucoup de choses dangereuses dans le pays, et ça concerne tous les citoyens», a-t-il ajouté, indiquant que le gouvernement s'était réuni lundi pour discuter des mesures à prendre en matière de sécurité. Des violences ont secoué ces derniers jours les régions défavorisées du centre et du sud-ouest de la Tunisie, faisant au moins deux morts et des dizaines de blessés, et trois villes ont été placées sous couvre-feu nocturne. Les affrontements à Metlaoui, Sbeïtla et Douz ont opposé des clans rivaux, mais M. Caïd Essebsi a accusé «des parties» d'être «derrière ce qui se passe dans les régions de Tunisie». «Il est étonnant qu'à chaque fois que les échéances électorales se rapprochent, des campagnes de dénigrement et des troubles éclatent», a-t-il déclaré. «Les élections se tiendront le 23 octobre, notre objectif est de réaliser un scrutin transparent et libre pour la première fois dans le pays», a-t-il martelé. Les Tunisiens sont appelés à voter le 23 octobre pour élire une assemblée constituante, dans ce qui constituera le premier scrutin depuis la chute de Ben Ali. La constituante sera chargée de rédiger une nouvelle constitution pour le pays. Plusieurs voix se sont élevées ces derniers mois pour réclamer un référendum portant sur le rôle et la durée de cette assemblée constituante. «Le gouvernement de transition n'a pas les prérogatives pour décider d'un référendum mais cela peut faire l'objet d'une concertation entre toutes les parties», a estimé le Premier ministre.