Journée nationale de la commune: un nouveau système de gestion des collectivités locales en 2025    Zerrouki insiste sur la qualité des prestations et la promotion du e-paiement    70e anniversaire de la mort de Didouche Mourad: conférence sur le parcours du chahid    Assainissement: traitement de près de 600 millions m3 d'eaux usées par an    Foot / Ligue des Champions (Gr: A - 6e et dernière journée) : héroïque en Tanzanie, le MC Alger qualifié en quarts de finale    Foot: clôture du Séminaire sur la gouvernance organisé par la CAF à Alger    Commerce: un programme proactif pour éviter toute éventuelle perturbation sur les marchés    La Coopérative Oscar pour la culture et les arts de Biskra commémore le 21e anniversaire de la mort du musicien Maati Bachir    Intempéries: plusieurs routes coupées en raison de l'accumulation de la neige    Conseil de sécurité: la diplomatie algérienne réussit à protéger les avoirs libyens gelés    Cancer de la prostate: le dépistage individuel seul moyen de prendre connaissance de la pathologie    Le Caftan constantinois: un des habits féminins prestigieux incarnant l'authenticité algérienne    Volley/Mondial 2025 (messieurs) - Préparation : le Six national en stage à Alger    L'attaque "lâche" contre le siège de "Global Aktion" vise à empêcher toute forme de solidarité et de soutien au peuple sahraoui    Agression sioniste: environ 35 enfants palestiniens tués par jour à Ghaza, selon l'UNICEF    Chutes de neige sur les reliefs de l'ouest du pays à partir de samedi    La valorisation du savoir et la bonne gouvernance et non le volume des réserves d'or qui permet le développement d'un pays    Vers l'importation de près de 28.000 tonnes de viandes blanche et rouge    LG lance un service de streaming audio gratuit    Bensaha deuxième recrue hivernale de l'USMH    Les Verts ratent leur sortie et déçoivent leurs fans    Championnat d'Arabie saoudite : L'Algérien Yousri Bouzok s'engage avec Al-Raed    Le ministre présente ses condoléances suite au décès du Moudjahid Mohamed Hadj Hamou,    Le Président Tebboune a reçu les responsables de médias    L'état du secteur de la communication et ses perspectives futures    Campagne de lutte contre la chenille processionnaire    Le wali en faveur du projet «SBA verte»    Mostaganem Premieres averses, grand soulagement    Poursuite des réactions internationales et appels au respect de l'accord    RDC : Appel à soutenir le processus de paix de Luanda    Vers un embargo sur les armes    Frédéric Berger n'est plus    Entre bellicisme médiatique et journalisme populacier    La 10e édition a tenu toutes ses promesses    Agrément à la nomination du nouvel ambassadeur d'Algérie auprès de la République de Sierra Léone    Batna: la dépouille mortelle du moudjahid Lakhdar Benchaïba inhumée au cimetière d'Arris        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



De “l'état des lieux” en général et de l'état d'urgence en Algérie en particulier
Publié dans Liberté le 17 - 02 - 2011

Nul ne sait quand cela sera effectif, mais le président Abdelaziz Bouteflika s'y est engagé par communiqué le 3 février : “Bouteflika va lever l'état d'urgence”, en vigueur depuis 1992, titre la presse algérienne du 4 février 2011.
Mais comment en sommes-nous arrivés à une telle situation d'imbroglio politico-juridique ?
De l'état d'urgence
Si l'Etat de droit est, définition minimale, un équilibre entre respect des droits fondamentaux et sauvegarde de l'ordre public, l'état d'urgence, c'est le déséquilibre revendiqué au profit de la sauvegarde de l'ordre public.
L'état d'urgence, c'est la violence pure de l'Etat qui entretient une relation ambiguë avec le droit : relève-t-il encore de l'espace du droit puisque celui-ci le prévoit ou est-il situé hors de cet espace puisqu'il en anéantit la logique ?
L'état d'urgence n'est donc pas une chose banale. Il n'est pas encore d'événement qui ne ravive les affres subis par le peuple algérien réprimé dans son intégrité physique et morale par la mise en œuvre de la loi française dite du 3 avril 1955. Situation déplorable encore et décriée par des intellectuels d'outre-Méditerranée lorsque l'Etat français décidait de revisiter l'esprit de cette maudite loi en 1985 pour contrer la mal-vie des populations de la Nouvelle-Calédonie. La même idée mal conçue est rappelée encore une fois en 2005-2006 pour l'exhiber cette fois-ci devant la situation déplorable des banlieusards issus d'une immigration légale au pays de la déclaration des droits de l'Homme et du citoyen.
Du contrôle de légalité et de constitutionnalité : de la question préjudicielle à la question prioritaire de constitutionnalité
L'état d'urgence peut être contrôlé au moment de sa mise en œuvre.
Ainsi le décret, délibéré en Conseil des ministres et signé par le président de la République française en 2005, instaurant l'état d'urgence est une décision qui n'entre pas dans la catégorie “acte de gouvernement”. Ainsi en a implicitement décidé le Conseil d'Etat français en acceptant d'examiner, dans le cadre d'un recours en référé, s'il pouvait exister un doute sérieux quant à la légalité du décret du 8 novembre 2005 justifiant sa suspension… en urgence.
Sans doute, dans son ordonnance du 14 novembre 2005, le Conseil d'Etat reconnaît que “le président de la République dispose d'un pouvoir d'appréciation étendu lorsqu'il décide de déclarer l'état d'urgence et d'en définir le champ d'application territorial” ; mais, dans le considérant suivant, il apprécie la situation et juge à son tour que “eu égard à l'aggravation continue depuis le 27 octobre 2005 des violences urbaines, à leur propagation sur une partie importante du territoire et à la gravité des atteintes portées à la sécurité publique”, il ne peut y avoir de doute sérieux quant à la légalité du décret instaurant l'état d'urgence.
Contrôle superficiel ou restreint, étant donné l'étendue du pouvoir reconnu au président de la République, contrôle discutable tant il est manifeste et admis par les autorités publiques elles-mêmes que les violences sont en régression au moment où l'état d'urgence est proclamé, mais contrôle cependant dont la seule existence de principe peut avoir un effet préventif.
La stratégie du Conseil d'Etat français est, en l'espèce, très “politique” : elle évite l'affrontement direct avec l'Exécutif en ne prononçant pas la suspension de l'état d'urgence alors que, juridiquement, elle aurait été fondée ; mais il exprime ses réserves en insistant sur la nécessité de constituer rapidement les commissions départementales chargées de donner un avis sur les assignations à résidence et les interdictions de séjour et en rappelant que l'instauration de l'état d'urgence ne peut avoir “pour conséquence de soustraire au contrôle de l'autorité judiciaire l'exercice par le ministre de l'Intérieur ou le préfet des missions relevant de la Police judiciaire”.
Toujours selon le texte français, au-delà de douze jours, l'état d'urgence ne peut être maintenu que s'il est prorogé par une loi. Le contrôle passe alors entre les mains du Conseil constitutionnel… à condition qu'il soit saisi.
Il le fut en 1985, mais il a jugé, dans sa décision du 25 janvier 1985, que contrôler la constitutionnalité de la loi de 1985 reviendrait à contrôler la loi du 3 avril 1955 dont elle n'était que “la simple mise en application”. Or la Constitution ne l'autorise pas à contrôler les lois promulguées ; il n'aurait pu retrouver compétence, précise-t-il, que si la loi de 1985 avait modifié, complété ou affecté le domaine de la loi de 1955. Et en 2005, le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale n'a pas souhaité que les députés saisissent le Conseil… !
Un contrôle extérieur (par la Cour de Strasbourg, par exemple) est impossible dans les faits, car il faut d'abord épuiser les voies de recours internes – et cela prendrait des mois –, et que, en tout état de cause, le juge européen accorde aux Etats une marge d'appréciation sur tous les domaines relevant de l'ordre public.
Un contrôle est-il possible au moment de l'application de l'état d'urgence ?
Par définition, c'est une mission impossible puisque, précisément, l'instauration de l'état d'urgence a pour objet de permettre ce que l'Etat de droit interdit : les atteintes au libre exercice des libertés et l'affaiblissement des garanties, notamment juridictionnelles, de leur protection.
Les interdictions de manifester, les assignations à résidence, les limitations d'aller et venir ne peuvent plus, en effet, être contrôlées au regard de la légalité ordinaire, au regard du droit commun des libertés mais au regard de la “légalité” d'exception qui les autorise. En d'autres termes, les bases du contrôle changent : alors qu'en temps ordinaire, elles permettent au juge de sanctionner des atteintes graves à tel ou tel droit fondamental, en temps d'état d'urgence, elles lui permettent de les déclarer justifiées par les circonstances exceptionnelles. Maintenu en théorie, le contrôle devient inopérant en pratique.
Le seul contrôle de nature à avoir un effet porte sur la durée. Saisi le 5 décembre 2005, d'une requête demandant au juge des référés du Conseil d'Etat de dire qu'en s'abstenant de mettre fin par décret à l'état d'urgence alors que les troubles à l'ordre public avaient cessé, le président de la République avait porté une atteinte manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales. Le Conseil d'Etat, dans son ordonnance du 9 décembre 2005, accepte, tout en reconnaissant au Président un pouvoir d'appréciation étendu, d'examiner le recours “au motif qu'un régime de pouvoirs exceptionnels doit avoir par nature des effets limités dans le temps et dans l'espace et que dès lors les modalités d'application de l'état d'urgence ne pouvaient échapper à tout contrôle de la part du juge de la légalité”. En l'espèce, il juge que le Président n'a pas commis d'illégalité manifeste en s'abstenant de mettre fin à l'état d'urgence en raison “notamment de l'éventualité d'une recrudescence des violences urbaines lors des fêtes de fin d'année”. Mais, il relève que “comme le soulignent les requérants, les circonstances qui ont justifié la déclaration d'urgence ont sensiblement évolué”. Petite phrase à nouveau très “politique”, qui montre un Conseil d'Etat vigilant et prêt, le cas échéant, à faire un pas de plus vers la thèse des requérants si les circonstances continuaient à évoluer.
Et il n'est pas exclu que cette petite phrase ait convaincu le président de la République française de mettre fin à l'état d'urgence le 4 janvier 2006 plutôt que subir une sanction si, à la suite d'un nouveau recours, le Conseil, prenant en considération le retour au calme dans les banlieues, avait fini par faire droit à l'argumentation des requérants.
Les Principes régissant
l'état d'exception
Les études de Mme Questiaux et de
M. Despouy ont permis de dégager des Principes qui régissent les états d'exception: (cf: E/CN.4/Sub.2/1997/19)
- Principe de légalité
- Principe de proclamation
- Principe de notification
- Principe de temporalité
- Principe de menace exceptionnelle
- Principe de proportionnalité
- Principe de non-discrimination
- Principe de compatibilité, de concordance et de complémentarité des diverses règles de droit international
Par sa résolution 1997/27 sur la “Question des droits de l'Homme et des états d'exception”, la sous-commission a remercié le rapporteur spécial pour son rapport final sur la protection des droits de l'Homme pendant les états d'exception (E/CN.4/Sub.2/1997/19) et prié le secrétaire général de le publier dans toutes les langues officielles. Ces Principes, qui n'ont pas encore été formellement adoptés par l'ONU, servent de référence pour la doctrine et sont utilisés dans la pratique des Etats.
Les deux études des rapporteurs spéciaux, en 1982 et en 1997, ainsi que les travaux et publications des deux réunions d'experts réunis par le CID sur la recommandation de M. Leandro Despouy, ont permis d'identifier et de préciser quels sont les droits intangibles, dans quelles conditions il est possible ou non d'y déroger, ainsi que les principales anomalies ou déviations dans l'application de l'état d'exception (état d'exception de fait ; état d'exception non notifié; état d'exception permanent ; état d'exception institutionnalisé ; rupture de l'ordre institutionnel ; cf: E/CN.4/Sub.2/1997/19)
L'état d'urgence, proche de l'état d'exception, est donc une mesure prise par un gouvernement en cas de péril imminent dans un pays et pour une durée de vie raisonnable. Certaines libertés fondamentales peuvent être restreintes, comme celle de circuler ou la liberté de la presse. Mais dans toute la phase d'observation de l'état de dérogation, les principes juridiques ci-dessus énumérés sont opposables aux pouvoirs publics, sans distinction aucune de l'espace étatique concerné.
La situation d'urgence en Algérie
ou la nécessité d'une question prioritaire de constitutionnalité
La situation d'urgence que vit notre pays remonte au 9 février 1992.
Le recours à cette mesure d'exception et de dérogation à l'Etat de droit est pris par le pouvoir issu de l'arrêt du processus électoral décidé le 12 janvier 1992, suite à la démission du président de la République et la dissolution de l'Assemblée populaire nationale.
Pris sur la base de l'article 86 de la Constitution de 1989 qui dispose qu'en cas de nécessité impérieuse, le Haut Conseil de sécurité réuni, le président de l'Assemblée populaire nationale, le chef du gouvernement et le président du Conseil constitutionnel consultés, le président de la République décrète l'état d'urgence ou l'état de siège, pour une durée déterminée, et prend toutes les mesures nécessaires au rétablissement de la situation ;
Le 9 février 1992, le Haut comité d'Etat décrète l'état d'urgence.
Se basant sur l'article 86 de la Constitution en vigueur au moment de l'acte réglementaire, le HCE, considérant les atteintes graves et persistantes à l'ordre public enregistrées en de nombreux points du territoire national ; considérant également les menaces visant la stabilité des institutions et les atteintes graves et répétées portées à l'encontre de la sécurité des citoyens et de la paix civile, décrète l'instauration de l'état d'urgence pour une durée bien déterminée qui est de douze (12) mois à compter du 9 février 1992 (article 1er du décret n°92-44 du 9 février 1992, publié au journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire n° 10 paru le même jour.
Le décret prévoyait déjà la possibilité de la levée de l'état d'urgence avant terme (§2 du même article 1er).
Force est de constater que l'intervention de la même instance, présidée cette fois-ci par M. Ali Kafi, qui avait remplacé feu Mohamed Boudiaf assassiné à Annaba, en date du 6 février 1993 pour proroger l'état d'urgence sans le limiter dans le temps. L'article 1er du décret présidentiel pris pour la circonstance n° 93-02, stipule “est prorogé l'état d'urgence instauré par le décret présidentiel n°92-44 du 9 février 1992”, décret publié au Journal officiel de la RADP n° 08 en date du 7 février 1993.
Au vu des dispositions constitutionnelles ensemble objet de l'article 1er du décret présidentiel de février 1992, la durée de l'état d'urgence ne peut constitutionnellement être prolongée qu'après approbation de l'Assemblée populaire nationale.
Tel n'est pas le cas dans la pratique de la gestion de cet état de non-droit.
Nous vivons aujourd'hui la dix-neuvième année de cette situation exceptionnelle, qui n'en est plus une. Mais des situations d'exception à des normes impératives de droit interne et de droit international des droits de l'Homme.
Il y a lieu de souligner que l'autre situation exceptionnelle, dérogatoire à la situation normale de la vie des institutions, qu'est l'état d'exception, qui répond aux exigences et causes autres que celles de l'état d'urgence est encadrée constitutionnellement par l'article 87 de la Constitution du 28 février 1989 est une situation non imposée par le dispositif de 1992.
Une telle dérogation active de constitutionnalité est reprise par les articles 91 et 92 de la loi fondamentale adoptée par voie référendaire le 28 novembre 1996.
L'article 91 dispose qu'en cas de nécessité impérieuse, le Haut Conseil de sécurité réuni, le président de l'Assemblée populaire nationale, le président du Conseil de la nation, le Premier ministre et le président du Conseil constitutionnel consultés, le président de la République décrète l'état d'urgence ou l'état de siège pour une durée déterminée et prend toutes les mesures nécessaires au rétablissement de la situation.
La durée de l'état d'urgence ou de l'état de siège ne peut être prorogée qu'après approbation du Parlement siégeant en chambres réunies. (article 91)
L'organisation de l'état d'urgence et de l'état de siège est fixée par une loi organique (article 92).
Du degré de constitutionnalité
du décret portant état d'urgence et de sa prorogation
Le décret n° 92-44 du 9 février 1992, est pris par une autorité hybride non prévue par le dispositif constitutionnel de 1989, le Haut Comité d'Etat ;
Se référant à une constitution, mise en veilleuse par les implications de la jonction de la démission du président de la République – portée en direct par voie audiovisuelle et en temps réel à l'attention du peuple - avec la dissolution de l'Assemblée populaire nationale – laquelle n'a été médiatisée et portée à la connaissance du détenteur de la souveraineté et de la source de tout pouvoir, que postérieurement à la décision du Président, (le peuple au sens des articles 6 à 11 de la Constitution de 1989), le HCE installé par délibération d'une institution consultative (le HCS), a dépassé les prérogatives constitutionnelles pour les motifs suivants :
- l'état d'urgence ne peut être décidé que par le président de la République au sens de l'article 68 de la Constitution de 28 février 1989. Institution vacante depuis le 11 janvier 1992.
- l'état d'urgence est décidé après consultation du président de l'Assemblée populaire nationale. Cette autre institution est également inexistante, puisque dissoute par décision injustifiée du président de la République.
- la prorogation pour une durée illimitée de l'état d'urgence décidée par décret n°93-02 du 6 février 1993, est à son tour, en plus de son inconstitutionnalité, illégale et non conforme au standard minimum universellement accordé au concept de durée déterminée qui ne peut prendre une autre signification outrepassant la définition de durée “raisonnable”, maintes fois confirmée et rappelée par la jurisprudence internationale dans tous les domaines, notamment, les juridictions ayant trait aux garanties et protection des droits et libertés fondamentaux.
L'intervention du constituant, en réformant la loi fondamentale par voie référendaire le 28 novembre 1996, impose de nouvelles règles constitutionnellement indérogeables.
En fait, l'article 91 de la Constitution, actuellement en vigueur en 2011, impose au président de la République appelé à faire appel à l'état d'urgence de consulter une nouvelle institution constitutionnelle, le Conseil de la nation, mis en place par la généralisation de la dualité institutionnelle avec l'avènement du bicamérisme.
Le Conseil de la nation n'a jamais été consulté depuis son installation sur la persistance et la faisabilité de l'état d'urgence décidé à un moment antérieur à son existence. La même observation est fondée en droit pour la première Chambre de notre Parlement (Assemblée populaire nationale) qui n'était pas opérationnelle lorsque la situation fut décrétée ni consultée une fois le retour au processus électoral amorcé.
Le constituant algérien dote le projet fondant l'Etat de droit d'un autre instrument de protection et de garantie des libertés et des droits fondamentaux en prévoyant la mise en place d'une loi organique propre à l'organisation et la gestion de l'état d'urgence (article 92).
Le président de la République n'a pas usé de ses prérogatives constitutionnelles pour saisir le Conseil d'Etat sur l'acte en question ni le Conseil constitutionnel, comme préconisé plus haut dans le cas de figure similaire vécu en France.
Un précédent d'inconstitutionnalité relevé
par le président de la République
à généraliser
Une négligence d'inattention ou une décision mûrement réfléchie était inscrite dans la jurisprudence constitutionnelle algérienne soulignant à jamais que le législateur algérien a, à un moment de la vie institutionnelle du pays, omis de relire le texte fondamental du pays.
Ainsi en est de la décision rendue par le Conseil constitutionnel algérien portant n°02/D.O/ CC/2000 du 27 février 2000 relative à la constitutionnalité de l'ordonnance n°97-15 du 31 mai 1997 fixant le statut particulier du gouvernorat du Grand-Alger.
Saisi par le président de la République, le Conseil constitutionnel rappelle que “l'alinéa 1er de l'article 15 de la Constitution nomme les collectivités territoriales de l'Etat que sont uniquement” la commune et la wilaya.
“Le constituant entendait limiter le découpage territorial du pays exclusivement à ces deux collectivités territoriales.”
Dès lors “en créant deux nouvelles collectivités territoriales dénommées gouvernorat du Grand-Alger et arrondissement urbain et en leur fixant des règles spécifiques d'organisation, de fonctionnement et d'action, le législateur a méconnu les dispositions de la Constitution, notamment ses articles 15 (alinéa 1er), 18 (alinéa 2), 78-9, 79 (alinéa 1er) et 101 (alinéa 2)”.
Le conseil constitutionnel, présidé à l'époque par Saïd Bouchaïr, déclarait inconstitutionnelle l'ordonnance 97-15 du 31 mai 1997 qui a créé deux collectivités territoriales en l'occurrence “le gouvernorat du Grand-Alger” et “l'arrondissement urbain”.
Par analogie à ce précédent, nous sommes fondés en droit de poser la question de savoir pourquoi le premier magistrat du pays n'a pas osé saisir l'instance en question sur une question prioritaire de légalité et de constitutionnalité touchant la persistance en vigueur d'un texte qui, de par son mode de mise en place, de son encours à la date
d'aujourd'hui 4/2/2011, et de son caractère exceptionnel, ne doit plus être toléré
dans l'intérêt de la mise en place des fondements juridiques et politiques d'un Etat de droit.
L'article 4 du pacte international relatif aux droits civils et politiques de l'ONU de 1966 régule au niveau du droit international l'état d'urgence. Il stipule en particulier que :
4.1 Dans le cas où un danger public exceptionnel menace l'existence de la nation et est proclamé par un acte officiel, les Etats parties au présent Pacte peuvent prendre, dans la stricte mesure où la situation l'exige, des mesures dérogeant aux obligations prévues dans le présent pacte, sous réserve que ces mesures ne soient pas incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et qu'elles n'entraînent pas une discrimination fondée uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'origine sociale. (...)
4.2 Les Etats parties au présent pacte qui usent du droit de dérogation doivent, par l'entremise du secrétaire général de l'Organisation des nations unies, signaler aussitôt aux autres Etats parties les dispositions auxquelles ils ont dérogé ainsi que les motifs qui ont provoqué cette dérogation. Une nouvelle communication sera faite par la même entremise, à la date à laquelle ils ont mis fin à ces dérogations.
Le comité des droits de l'homme de l'ONU peut examiner les éléments constitutifs du danger public invoqué et éventuellement solliciter l'élaboration de rapports spéciaux. Il a élaboré en 1981 une déclaration relative à l'interprétation de cet article. L'Egypte, entre autres, a ainsi été à plusieurs reprises épinglée pour son état d'urgence continué depuis au moins 1981.
La proclamation de l'état d'urgence ne permet pas de déroger à certains droits fondamentaux et interdictions absolues, dont en particulier le “droit à la vie”, l'interdiction de la torture et des traitements inhumains et dégradants, l'esclavage et la servitude et la “liberté de penser, de conscience et de religion”.
De quelque manière que l'on tourne les choses, l'état d'urgence, c'est la mise en suspension de l'Etat de droit : les principes constitutionnels qui le fondent et le distinguent et les mécanismes et exigences du contrôle juridictionnel sont mis à l'écart.
En octobre 1992, les autorités algériennes en place promulguent un décret antiterroriste, suivi en décembre par l'établissement de tribunaux antiterroristes.
Les conditions et les critères qui déterminent la légalité de l'état d'exception et qui permettent que ce régime soit compatible avec le respect des droits de l'homme et un mode de gouvernement démocratique, ont été définis dans l'étude (document de l'ONU E/CN.4/Sub.2/1982/15) présentée par Mme Nicole Questiaux (France), rapporteur spécial sur cette question, expert indépendant et membre de la sous-commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme de l'ONU à sa 35e session en 1982. Ils ont été complétés par l'étude finale rédigée par M. Leandro Despouy (Argentine), rapporteur spécial sur cette question, expert indépendant membre de la sous-commission, dans son 10e rapport annuel à la sous-commission à sa 49e session à Genève (document de l'ONU E/CN.4/Sub.2/1997/19, du 23 juin 1997.
Au moment où le monde auquel nous appartenons, le nord africain et sa périphérie, vit d'intenses mouvements de restauration de l'Etat de droit garant des droits et des libertés, nous sommes interpellés par le bon sens de la gouvernance démocratique afin que disparaissent à jamais les entraves à l'épanouissement de la personne et de la collectivité.
Notre pays a ratifié l'essentiel des instruments juridiques de protection, de promotion et de garantie des droits de l'Homme. Notre Constitution en pérennise la garantie suprême. Nul ne doit être ou se situer au-dessus de la loi suprême. C'est la devise de tout Etat qui se respecte et qui promeuve les libertés et les droits fondamentaux de la personne humaine.
Avec la déclaration du président de la République, hier, un mur de la peur psychologique vient de tomber, mais “il ne s'agit que d'une première victoire”, comme le souligne le député Ali Brahmi.
“Pour mettre un terme à toute polémique infondée sur cette question, je charge le gouvernement à s'atteler, sans délais, à l'élaboration de textes appropriés qui permettront à l'Etat de poursuivre la lutte antiterroriste jusqu'à son aboutissement, avec la même efficacité et toujours dans le cadre de la loi”, a déclaré, selon l'APS, le chef de l'Etat lors d'un Conseil des ministres.
Notons que le Président défend la légalité de l'état d'urgence jusqu'au bout en évoquant la “polémique infondée”, alors qu'il s'agit d'une procédure jugée illégale et même anticonstitutionnelle.
Sommes-nous condamnés à attendre Al Mahdi d'Abou El Kassem Echabbi qui revient ce début d'année chinoise pour que le bon sens prévale sur la conscience collective de la vie partagée en cité ?
Après la dernière série d'actes administratifs émanant de la wilaya d'Alger interdisant, une fois de plus, toute manifestation pacifique dans la capitale de toute l'Algérie et des algériens, suite au refus d'organiser la marche de la société civile le samedi 12 février 2011, la levée de l'état d'urgence, comme engagement juridique solennel, lie dorénavant le président de la République. Elle est une des priorités réclamées fortement par les acteurs politiques, la société civile nationale, moralement interpellée par le bon sens de l'esprit des lois et de la rigueur de la gouvernance démocratique. Cet acte, qui pourrait être décidé par ordonnance présidentielle, constituera un signe positif allant dans le sens de réconcilier les gouvernants avec la société citoyenne.
Tizi Ouzou le, 13/02/2011
A. K.
(*) Professeur de droit international
Université Mouloud-Mammeri
de Tizi Ouzou


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.