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Peuple et moi
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 27 - 09 - 2011

«… moi, je résume l'histoire de tous par l'histoire d'un seul. Comme ça, l'histoire algérienne, je la comprends mieux. J'explique : je prends tout le peuple sous la forme d'une seule personne et je dialogue avec elle. Pour toi, si je te rencontre dans la rue ou autour d'un pain, je te pose la question classique : Que fais-tu dans la vie ? Tu me répondras : Médecin, ou enseignant, ou riche rentier ou commerçant. Je te jugerais alors pour ta profession, ton habit ou ton fric. Je pose la question au Peuple que je traite comme une seule personne : Que fais-tu dans la vie ? Réponse : Je vis. Tu sais faire quoi ? Le peuple algérien répond : Rien. Je ne sais rien faire. Ni avec les mains, ni avec les pieds, ni avec la tête. Dans la division du travail internationale, ce peuple n'a pas de métier connu. Il ne sait rien faire. Sauf peut-être acheter ou revendre. Mis à part ça, aucun don ou métier ou génie. Chasseurs de colons peut-être, mais tous les trois siècles souvent et après une longue hésitation sur les moyens et l'heure.
Tu comprends donc, que si moi j'étais un étranger, je serais un peu hésitant à faire confiance à un peuple chômeur, lui marier ma fille la plus belle ou lui prêter de l'argent. Ou même l'accueillir et le laisser dormir chez moi en mon absence. Les peuples qui ne savent rien faire sont tentés par n'importe quoi. La guerre, la barbarie ou l'audace et la mer. On peut en faire un grand peuple, dans l'action, mais c'est une menace dans le désœuvrement. Il faut le surveiller, le faire manger et ne jamais le laisser seul. L'entretenir mais ne pas investir de l'émotion sur sa nature et sa pelure. Pour l'essentiel, c'est comme ça que je vois le peuple et que je me vois. Je me résume et résume l'histoire de tous dans ma façon d'ouvrir ma porte à un étranger que je connais, qui est moi mais dont je me méfie. C'est compliqué ? Oui. C'est un métier que l'étrangeté. On se connaît mais on se tourne le dos. On se serre la main en serrant une pierre. Il faut donc apprendre un métier pour ce peuple. Vite. Comme ça on pourra le marier au reste du monde. D'ailleurs, pour le moment, aucune famille internationale n'en veut : il n'a pas de maison. Même chez lui, il est locataire. Pas d'argent, pas d'avenir, pas de vêtement, pas d'avenir et un gros passé sur le dos. Pas de quoi donc …»

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