L'ancien ministre algérien des Affaires étrangères, Lakhdar Brahimi, n'a pas révolutionné la «ligne» officielle algérienne pendant qu'il était aux «affaires» sur le dossier des relations algéro-marocaines. Il faut donc prendre comme un signe, indéniablement positif, le fait qu'il ait fait publiquement à Alger, à l'ouverture d'un colloque sur les révolutions arabes, des observations critiques sur la frontière fermée entre l'Algérie et le Maroc. Bien entendu, M. Brahimi reste diplomate dans ses propos, même quand il n'engage que sa seule personne. On ne l'a donc pas entendu dire clairement qu'il faut rouvrir les frontières. Mais on l'a entendu dire clairement : «C'est malheureux que les frontières restent fermées depuis 94». Certains trouveront que ce souci de la précision relève du purisme et qu'une chose «malheureuse» est forcément indésirable. Et que, par conséquent, l'ancien ministre algérien des Affaires étrangères souhaite bien une ouverture de la frontière avec le Maroc. La preuve qu'on serait dans le purisme est que M. Lakhdar Brahimi estime qu'on ne peut parler de Maghreb si les relations entre l'Algérie et le Maroc restent distendues. Et quoi de plus distendu comme relation si une frontière, théoriquement destinée à être abolie dans le Maghreb, reste hermétiquement fermée depuis 1994. Même s'il reste diplomate ou prudent, M. Lakhdar Brahimi a eu le mérite de remettre en débat la pertinence de la décision de l'Algérie de maintenir la frontière fermée. Dans ce domaine, le manichéisme ne fonctionne pas. De très nombreux Algériens sont pour la réouverture des frontières, tout en demeurant fortement attachés au principe de l'autodétermination et à son exercice par les Sahraouis. Les relations algéro-marocaines font du surplace et se sont arrêtées à l'année 94 car les deux parties jamais en même temps ont refusé la démarche réaliste de «déconnecter» le dossier du Sahara Occidental du reste des relations bilatérales. Pendant longtemps, c'est le Maroc qui a refusé cette déconnexion. Désormais, c'est l'Algérie qui semble le faire En l'absence de débat sur cette question et sur beaucoup d'autres , on n'arrive pas à saisir la pertinence de la démarche ni son objectif. Bien entendu, la question du Sahara Occidental - et la manière dont elle sera résolue - n'est pas une question secondaire. L'Algérie veut une issue fondée sur une légitimité nouvelle exprimée par une application de l'autodétermination, car elle n'accepte pas que l'on excipe de présumés droits historiques. Mais cette question se posait avant 1994, sans que l'on ne se soit senti obligé de fermer les frontières. Il ne fait guère de doute non plus que le Maroc s'est lamentablement fourvoyé en accusant les services algériens de la responsabilité de l'attentat de Marrakech de 1994. Il reste néanmoins à avancer. Le retard maghrébin est sidéral. Même s'ils sont exprimés avec beaucoup de prudence, les propos de M. Lakhdar Brahimi sont un progrès, un indicateur de sens. Il n'est pas normal qu'en 2011 les relations algéro-marocaines ne soient même pas du niveau d'avant 1994.