Le ministre algérien de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, et Günter Oettinger, commissaire européen, exposeront leurs visions de l'avenir ce week-end à Bruxelles. Avec des attentes qui n'ont pas beaucoup changé sur le fond : sécurité de l'investissement d'un côté, sécurité de l'approvisionnement de l'autre. Mais qui, transition énergétique oblige, doivent inventer de nouvelles formes d'entente. L'Algérie souhaite transposer le modèle qui a permis l'émergence du gaz naturel, vers la production de l'électricité verte. Le ministre algérien de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, présentera le week-end prochain à Bruxelles les programmes de développement énergétiques de son pays lors d'une rencontre Algérie-UE sur « les énergies renouvelables et l'efficacité économique ». Lors de cette journée, il s'agira notamment pour la délégation algérienne de démontrer la capacité de l'Algérie de demeurer à moyen et long termes, un partenaire incontournable dans l'approvisionnement énergétique de l'Europe, mais selon des modèles et des supports énergétiques qui vont évoluer dans les prochaines années. Le statut des contrats gaziers à long terme, l'aménagement effectif de la clause de destination, et la possibilité d'amener Sonatrach à aller plus loin dans le partage de la rente énergétique dans la distribution sur le marché européen, constituent la toile de fond classique de la requête algérienne. Les enjeux de cette toile de fond sont transférables vers les énergies renouvelables. Aujourd'hui, il s'agit de sécuriser l'investissement et la commercialisation dans le gaz naturel, demain dans l'électricité verte et son transport. Bruxelles attend plus de visibilité sur le plan d'investissement algérien et ses modes de financements, qui permettront de produire les milliards de m3 et les gigawatts additionnels qui viendront à la rencontre de la demande continentale au-delà de 2015. Le volet réglementaire, notamment au sujet de l'attractivité sur le domaine minier algérien, en berne depuis 6 ans, sera sans doute également évoqué, d'autant qu'Alger a laissé entrevoir du nouveau sur ce chapitre dans les prochains mois. L'Europe proposera également son expérience dans les économies d'énergies. Un front sur lequel l'Algérie est bon dernier au Maghreb. Les millions de TEP non gaspillés en consommation domestique seront autant de garanties supplémentaires de l'approvisionnement européen, d'où l'intérêt objectif de la Commission européenne à aider l'Algérie à améliorer son efficacité énergétique. Après le gaz, l'émergence du solaire se précise Le dossier des énergies renouvelables est donc celui qui occupe de plus en plus de place dans les échanges exploratoire entre Alger et Bruxelles. En novembre à Oran, en marge du Conseil mondial de l'énergie, le ministre algérien de l'Energie avait insisté sur la volonté politique d'engager des «investissements lourds et à longs termes» dans l'énergie renouvelable. L'Algérie projette de produire 22.000 mégawatts à l'horizon 2030, dont 10.000 seraient destinés à l'UE. Evoquant auprès du quotidien El Watan le premier projet qui se fera en collaboration avec MASEN, l'Agence marocaine de l'énergie solaire, le directeur de la communication du consortium Desertec Industrial Initiative (DII) annonce que « d'autres projets de référence devraient être définis d'ici 2012, en Algérie, en Tunisie et en Egypte». Certaines personnes proches du dossier avancent même la fin décembre pour la signature d'un accord entre le consortium né en Allemagne et l'Algérie. Le seuil de rentabilité de l'électricité solaire sera atteint, estiment une majorité d'experts, vers 2030. Il semble évident que l'UE va maintenir l'appel au gaz algérien car vers cet horizon de temps, l'UE importera près de 66% de ses besoins énergétiques (Livre Vert de la Commission européenne). L'Algérie est actuellement le deuxième partenaire de l'UE en lui fournissant près de 25% de ses besoins en gaz, à égalité avec la Norvège mais bien moins que la Russie (40 %). Le rythme de croissance des fournitures algériennes vers l'Europe est moins cerné depuis la déprime du marché spot, et le report du projet de gazoduc Galsi vers la Sardaigne et l'Italie, récemment confirmé par le ministre Youcef Yousfi. Le gaz de schiste en test de sincérité Il sera intéressant d'observer la position de la Commission de Bruxelles sur les projets relatifs au développement du gaz de schistes auquel semble tenir tout particulièrement le ministère algérien de l'Energie et des Mines. Le suivisme qui a fait suite, en Europe, à l'enthousiasme nord-américain pour cette nouvelle filière a vite été remplacé par une multiplication de moratoires s'appuyant sur le sacro-saint principe de précaution. La France n'a pas été épargnée, en 2011, par ce mouvement qui a eu comme conséquence la suspension de permis de recherche de Total. L'Algérie ne disposant pas du contre-pouvoir que constitue une société civile organisée et vigilante, cette filière risque de « prospérer » plus vite que souhaité dans une filière réputée aujourd'hui dangereuse pour les ressources hydriques et le vivant. Les compagnies pétrolières évincées du sous-sol européen pour le développement de gisements de gaz non conventionnel regardent avec insistance du côté de ce Sahara si prometteur en gaz de schiste, selon la déclaration de Youcef Yousfi à Houston en 2010. L'italienne ENI est déjà dans la place, d'autres compagnies se sont annoncées. La position de la Commission de Bruxelles sur ce choix du ministère algérien de l'Energie de développer une filière aujourd'hui clairement controversée pourrait se révéler un très bon indicateur sur la sincérité du partenariat proposé.