La secrétaire générale du Parti des Travailleurs (PT), Louisa Hanoune, qui s'est exprimée hier sur les ondes de la radio chaîne3, a tiré à boulets rouges sur le couple FLN-RND et n'a pas ménagé les partis islamistes. La présidente du PT a d'abord lancé un appel au chef de l'Etat pour qu'il demande au Parlement une deuxième lecture des lois sur les réformes politiques. Cet appel de la dirigeante du Parti travailliste est motivé par le fait que «les parlementaires de la majorité ont, critique-t-elle, vidé ces réformes de leur substance». «J'ai dit au président de la République qu'il fallait qu'il use de ses prérogatives pour demander une deuxième lecture des avant-projets de loi sur les réformes», a affirmé Mme Hanoune. «Les réformes ont été vidées de leur substance. La nouvelle loi sur les partis est loin de consacrer une quelconque avancée», décrie-t-elle. Les députés ont approuvé, mardi dernier, un texte amendant l'ancienne loi sur les partis. La nouvelle mouture a été vivement critiquée par l'opposition qui dénonce «des velléités de restreindre le champ d'action politique». Mme Hanoune a accusé les partis de la majorité présidentielle (FLN et le RND) d'avoir «torpillé les projets de réformes du chef de l'Etat». «Ils siègent avec le président au Conseil des ministres, approuvent les projets de loi et donnent par la suite des consignes à leurs parlementaires pour bloquer ces textes», déplore-t-elle. Les députés se sont notamment opposés à l'obligation consacrée dans le projet de loi de prévoir un quota de 33 % pour les femmes sur les listes des candidats aux élections. Par ailleurs, évoquant le courant islamiste, Louisa Hanoune a vivement critiqué Abdallah Djaballah, président du Front pour la justice et le développement (FJD), parti qui ne dispose pas encore d'un agrément. «Il a déclaré à un journal qu'il a rencontré les ambassadeurs des Etats Unis et de France. Ces derniers lui ont signifié qu'ils n'ont plus peur des islamistes», dit-elle. Et d'ajouter : «Il dénonce la position du gouvernement vis-à-vis de la Libye et la Syrie, ce qui n'est rien d'autre qu'une offre de service aux puissances étrangères». «Il soutient la politique américaine et française sur les invasions et la transgression de l'intégrité territoriale des nations», poursuit-elle. D'un autre côté , Mme Hanoune s'est montrée «surprise» que Djaballah prédit d'avoir la majorité aux élections alors qu'il ne dispose même pas d'un parti politique structuré et agréé. «Nous avons déjà vu des communes gérées par des islamistes en 1990. Nous avons vécu l'expérience du partage de pouvoir entre islamistes et nationalistes, démocrates, etc.», relève-t-elle. «Quand le parti Ennahda était dirigé par Djaballah, il a pris part au gouvernement. Le MSP, qui est d'obédience islamiste, fait partie du gouvernement. Nous avons tout essayé. Ce n'est pas nouveau. N'oublions pas que nous avons vécu une tragédie nationale», martèle-t-elle. «En Tunisie et en Egypte, poursuit-elle, il n'y a aucune véritable alternative démocratique. Au Maroc, ceux qui avaient voté pour le courant islamiste voulaient sanctionner les partis qui étaient au gouvernement», analyse-t-elle. Mme Hanoune a également critiqué les déclarations de la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton qui a affirmé, lors de son déplacement en Turquie, que les peuples du Machreq et du Maghreb doivent méditer le modèle islamiste turc. «La Turquie abrite des bases de l'Otan. Ce pays suit le modèle américain basé, notamment, sur le libéralisme et les privatisations. Ce pays est loin de l'islamisme modéré», dit-elle. Et de souligner que des hommes politiques français et américains ont rencontré des chefs de partis islamistes dans tous les pays arabes, à l'image de l'Algérie, pour leur donner des gages. «Ils leur ont signifié qu'ils n'ont plus peur de l'islamisme. Il faut tout de même se poser la question de savoir qu'est-ce que cela signifie?», s'interroge-t-elle. «Quelle est la politique et le programme socioéconomique des partis islamistes ? Ils sont pour la libre entreprise et ils s'accommodent bien de la mondialisation libérale», note-t-elle. «Il y a un enjeu de soutenir financièrement, techniquement, politiquement les islamistes qui sont acquis aux thèses américaines, à l'ingérence, à la politique du va-t-en guerre prônée partout», souligne-t-elle. La présidente du PT dit craindre «une afghanisation de toute la région». Mme Hanoune dénonce «la politique d'ingérence des gouvernements français ou américain». «Ce n'est pas à eux de décider qui sera majoritaire et qui doit gagner les élections en Algérie, au Maroc, en Egypte et dans les autres pays arabes», critique-t-elle. «C'est aux peuples souverains de décider de leurs destins. Les islamistes, qui sont, certes, une réalité sociale dans le monde arabe, sont loin d'être majoritaires. Avec un taux d'abstention de 50% en Tunisie et au Maroc, ils n'ont même pas eu 20% des voix», relève-t-elle. Mme Hanoune considère que le projet américain du «Grand Moyen-Orient» est basé sur la manipulation des questions ethniques, tribales et religieuses. «Les Américains nous ont d'abord dit que l'islamisme est un danger. Puis, ils ont instrumentalisé la lutte contre le terrorisme pour envahir l'Irak et l'Afghanistan», déplore-t-elle. «Les Etats-Unis ont aidé politiquement, financièrement et militairement les talibans afin que ces derniers accèdent au pouvoir. Puis, ils ont fait volte-face en se retournant contre eux et leur ont fait la guerre», poursuit-elle. Et de s'interroger : «Ne s'apprêtent-ils pas à préparer un tel scénario au Machreq et au Maghreb ?»