Autant l'ONU a été prompte à intervenir dans le cas de la crise libyenne, autant elle est paralysée dans celui de la crise syrienne. Pourtant, le principe de «protection des populations», sur lequel s'est appuyé le Conseil de sécurité pour voter sa résolution 1973 autorisant une intervention internationale en vue d'instaurer une zone d'exclusion aérienne au-dessus du territoire libyen, se doit d'être également pris en compte par l'organisation internationale eu égard à la répression d'ampleur inouïe exercée contre la population syrienne par les forces armées combinées du régime de Bachar el-Assad. Les puissances occidentales nient toute responsabilité de leur part dans l'inertie et l'impuissance de l'ONU face à la tragédie qui se joue en Syrie. Elles pointent du doigt en l'affaire la Russie et la Chine qui, il est vrai, paralysent le Conseil de sécurité en menaçant de mettre leur veto à toute résolution du style de celle qui a été votée pour la Libye. Que ces deux puissances empêchent effectivement la communauté internationale d'adopter une position commune et des mesures ou sanctions à même d'obliger les autorités syriennes à mettre fin aux tueries dont est victime leur population, n'est pas contestable. Les médias occidentaux font chorus avec leurs dirigeants et diplomates pour mettre au banc des accusés la Russie et la Chine, qui sont présentées en tant qu'Etats guidés dans leur refus d'une intervention onusienne par de cyniques considérations d'intérêts nationaux géopolitiques et économiques. Présentation réductrice de l'attitude de ces deux puissances dans la crise syrienne, car elle ignore, au mépris de la réalité, l'incidence désastreuse que le précédent de l'intervention internationale en Libye a eu dans le monde hors Occident. La Russie et la Chine, mais également tous les autres Etats - hors ceux de l'Occident - qui ont donné leur onction à la résolution 1973 du Conseil de sécurité, se sont vite rendu compte qu'ils ont été en l'occurrence floués par les puissances occidentales, qui ont transformé l'intervention internationale autorisée avec des limites par l'ONU en une opération destinée à réaliser leur mainmise sur la Libye. Pour la Russie et la Chine qui ont la prétention d'être des acteurs internationaux de premier plan et de ce fait intraitables quand leur prestige national est en jeu, l'épisode libyen, en ce qu'il a été révélateur des intentions occidentales sous couvert de « la protection de la population », a été vécu comme un camouflet dont ils ne permettront plus la récidive. L'ONU est paralysée, c'est un fait. Mais d'abord et avant tout parce que les Occidentaux ont semé au sein des Nations unies la suspicion sur leurs intentions réelles quand ils poussent l'organisation onusienne à intervenir dans un conflit. Ce qui, bien entendu, n'exonère pas celle-ci de son inertie dans la crise syrienne. Les Américains et leurs alliés occidentaux, qui fustigent la Russie et la Chine en tant qu'Etats bloquant le Conseil de sécurité sur la question syrienne, font de même que ces deux pays s'agissant du dossier du conflit palestino-israélien. Ce qui, n'en déplaise à Sarkozy, pose le problème de la révision du droit de veto que se sont octroyées des puissances au moment de la création des Nations unies. Principe de révision qu'il a stigmatisé quand Eva Joly, la candidate «écolo» à l'élection présidentielle française, en a soulevé la nécessité et s'est engagée à œuvrer dans ce sens si elle accède à la présidence de l'Etat français.