Le veto sino-russe mardi soir contre une résolution onusienne préconisant des sanctions contre le régime de Bachar Al-Assad a fait l'effet d'une petite explosion dans le microcosme diplomatique de l'ONU. Cet échec de l'ONU à condamner Damas 'est un triste jour pour le peuple syrien» et «pour le Conseil de sécurité», selon le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé. Son homologue allemand, Guido Westerwelle, a jugé hier «très regrettable» l'échec de cette résolution de l'ONU, au moment où le secrétaire au Foreign Office Willial Hague estime que cette décision «est une erreur profonde et regrettable». A Damas, on exultait: «C'est une journée historique, car la Russie et la Chine, en tant que nations, se sont placées aux côtés des peuples et contre les injustices», estime Mme Bouthaina Chaabane, conseillère du président Bachar Al-Assad. «Je pense que les Syriens sont contents de constater qu'il existe d'autres puissances dans le monde pour se dresser contre l'hégémonie et l'intervention militaire dans les affaires des pays et des peuples», a-t-elle ajouté. A Washington, pourtant, la colère était à son paroxysme. Les Russes et les Chinois, principaux alliés du régime de Damas, ont en fait faussé les cartes et les stratégies occidentales pour affaiblir la Syrie avec une série de sanctions économiques et politiques ouvrant à terme la voie au départ précipité de Bachar Al-Assad. Pourtant, pour les militants syriens des droits de l'homme, le veto russe et chinois est autrement décrypté. Il va encourager les violences en Syrie, qui risque de basculer dans la guerre civile, a déploré Burhan Ghalioun, président du Conseil national syrien, instance de représentation de l'opposition syrienne. Il a appelé à l'organisation d'une «conférence internationale sur la Syrie, avec les grandes puissances, les pays arabes mais aussi les Russes qui ont toujours cette position insoutenable». «On demande à la communauté internationale de nous proposer un plan de protection des civils syriens», a-t-il précisé à la veille d'un périple en Egypte et en Tunisie où il veut obtenir le soutien des pays arabes. Pour autant, il se refuse à une intervention internationale, plutôt occidentale à la libyenne. «Si la communauté internationale prend une position unifiée et forte en collaboration avec la communauté arabe, on peut obliger le régime à céder», ajoute-t-il, cité par des agences de presse occidentales. Mardi soir à l'ONU, la Chine et la Russie, deux membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, ont opposé leur veto à un projet de résolution des pays occidentaux menaçant le régime syrien de «mesures ciblées» pour la répression sanglante des manifestations. Neuf pays ont voté pour la résolution, la Russie et la Chine votant contre. La résolution est donc rejetée du fait de leur droit de veto. L'Afrique du Sud, l'Inde, le Brésil et le Liban se sont abstenus. L'ambassadeur de France à l'ONU, Gérard Araud, a souligné que tous les efforts avaient été déployés pour trouver un compromis, en vain. «De nombreuses concessions» avaient été faites à la Russie, à la Chine et aux pays qui se sont abstenus, a-t-il ajouté. L'ambassadeur de Russie à l'ONU, Vitali Tchourkine, a estimé que deux philosophies s'étaient affrontées lors des discussions, dont celle de la «confrontation» voulue par les pays occidentaux. Après le vote, il a dit que 'la menace de sanctions était inacceptable». «Les Etats-Unis sont furieux du fait que ce Conseil ait complètement échoué» dans sa tentative de traiter »un défi moral urgent et une menace croissante à la paix régionale», a déclaré de son côté l'ambassadrice américaine à l'ONU Susan Rice, ex-secrétaire d'Etat. En Syrie, par contre, les manifestations contre le régime se poursuivent, accompagnées de leur lot de répression et de morts par balles. Selon l'ONU, les victimes de la répression des forces de sécurité syriennes sont de plus de 2.700 morts depuis la mi-mars. Mardi, onze nouvelles victimes ont été recensées, dont six à Homs et deux dans le nord-ouest du pays, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH). Amnesty International a dénoncé une campagne contre les protestataires syriens à l'étranger qui sont «systématiquement surveillés et harcelés» par leurs ambassades. L'organisation a cité les cas de plus de 30 militants au Canada, au Chili, en France, en Allemagne, en Espagne, en Suède, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis «qui ont été l'objet d'intimidations de la part de responsables dans les ambassades» de ces pays, et «dont les proches en Syrie ont été harcelés, arrêtés et parfois torturés». Enfin, le voisin turc a haussé le ton hier par la voie du Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, qui a annoncé que son pays prendrait rapidement des sanctions contre le régime syrien. «On ne peut pas rester en spectateur face à ce qui se passe en Syrie. On tue des innocents et des gens sans défense. On ne peut pas dire: laissons les choses continuer comme cela», a-t-il martelé dans une déclaration qui confirme qu'Ankara désapprouve ce qui se passe en Syrie.