D'où viendra l'étincelle qui provoquera un nouveau chaos ? C'est la question que se posent nombre d'observateurs et d'experts convaincus que l'on est loin d'être sortis de la crise financière qui ébranle le monde depuis 2008. En témoigne le récent rapport de la Banque centrale européenne (BCE) qui avance plusieurs éléments d'inquiétude, parmi lesquels l'incapacité des pouvoirs politiques à juguler cette crise, mais aussi la grande faiblesse du secteur bancaire européen. Un secteur susceptible, selon l'institution européenne, de connaître une grave crise systémique comparable à celle de l'automne 2008, au lendemain de la faillite de Lehman Brothers. PREVENIR LA CRISE BANCAIRE Dans cette ambiance morose, pour ne pas dire catastrophiste, les débats se poursuivent à propos de la meilleure manière de sortir de la crise et de faire en sorte que la croissance mondiale puisse repartir à la hausse. L'une des thèses avancées, très répandue aux Etats-Unis, tend à tirer les enseignements de la Grande Dépression des années 1930. Ainsi, nombre d'économistes rappellent-ils que ce qui a caractérisé cette période est non pas la chute des marchés boursiers en 1929 (point de départ de la crise), mais les défaillances bancaires qui ont suivi à partir de 1931, notamment lorsque l'Europe a été touchée à son tour. Du coup, leur argument principal est qu'il est absolument nécessaire aujourd'hui d'empêcher la moindre faillite bancaire, fût-elle celle d'un établissement secondaire. Le moyen d'y parvenir, selon eux, serait ainsi de mettre en place des mécanismes de prêts directs aux banques par le biais de la Réserve fédérale aux Etats-Unis ou de la Banque centrale européenne (BCE) en Europe. Certes, ces deux établissements ont déjà joué le rôle de prêteur en dernier recours, mais, avancent les défenseurs d'une telle approche, il faudrait institutionnaliser ces prêts et les rendre systématiques. On relèvera au passage que la BCE se prépare déjà à octroyer des prêts à trois ans, ce qui, sur le plan de l'orthodoxie monétaire, aurait paru totalement hérétique il y a encore quelques années. Reste que cet argent doit nécessairement venir de quelque part. Dans une conjoncture marquée par la baisse des recettes budgétaires des Etats – et par l'insolvabilité d'un certain nombre d'entre eux –, la solution est plus qu'évidente. Il s'agit bien sûr de faire fonctionner la planche à billets pour injecter des liquidités dans le circuit bancaire et pour accorder des prêts à taux faibles, pour ne pas dire égaux à zéro. On en revient donc aux thèses de Ben Bernanke, le patron de la Fed, qui, évoquant des situations comparables à celle de 1929, estimait au milieu des années 2000 qu'il faudrait utiliser des hélicoptères pour déverser des tonnes d'argent sur les gens (ce qui relancerait la consommation et soulagerait les banques…).
LE RETOUR DE L'INFLATION
Mais on connaît le prix à payer pour une telle stratégie. L'argent facile, comme le relevait récemment le Financial Times, risque de chasser le bon argent. Des bulles vont nécessairement réapparaître et donc fatalement exploser et provoquer une nouvelle instabilité. De plus, qui dit planche à billets dit inflation. Cette dernière serait la pire des nouvelles pour des ménages à qui l'on refuse des hausses de salaires et que l'on cherche à contraindre de dépenser leur épargne pour soutenir l'économie. La perte de pouvoir d'achat, conjuguée à une dépréciation de l'épargne, pourrait avoir des conséquences politiques graves ; mais nombre d'économistes estiment que le risque mérite d'être couru pour éviter un remake des années 1930. En somme, il s'agira peut-être de choisir entre la peste et le choléra, ce qui annonce de grosses turbulences pour 2012.