Abdelhamid Mehri s'est éteint hier à l'hôpital Aïn Naâdja à Alger. On n'entendra donc plus la voix calme et posée d'un homme qui ne s'est jamais tu devant ce qu'il considérait injuste et inacceptable. Homme de raison et de modération, Abdelhamid Mehri est l'incarnation de l'abnégation militante au service de la Nation algérienne. Depuis ses premières armes et ses années de formation à la lutte révolutionnaire, jusqu'à ses années dangereuses mais exaltantes de militant du PPA. Des heures les plus sombres de la division de ce parti à la constitution du GPRA, dont il fut membre influent. Il a assumé à l'indépendance diverses fonctions : directeur de l'Ecole normale de Bouzaréah, secrétaire général du ministère de l'Education, ambassadeur, à Rabat et Paris notamment, et secrétaire général du FLN. Cet homme, sincère, modeste et plein d'humour, ne se confiait pas spontanément mais, avec un sourire bonhomme et les yeux pétillants d'intelligence, il avouait volontiers que son passage à la tête de l'Ecole normale représentait la période la plus gratifiante de son parcours professionnel. Il avait repris du service politique actif après la rupture d'Octobre 1988. Abdelhamid Mehri était déjà convaincu que seules les libertés démocratiques inscrites dans l'appel du Premier Novembre pouvaient permettre de dépasser la crise traversée par le pays. Toute son action à la tête du FLN visait à réhabiliter le vieux parti et à jeter les bases d'un contrat politique renouvelé. Il avait été évincé de son poste de secrétaire général du FLN à la suite d'une grossière manœuvre d'appareil, mais il restait irrésistiblement un militant du parti dont il conservait intact l'esprit du Premier Novembre 1954. Abdelhamid Mehri souffrait de voir le pays s'enfoncer dans une crise à la dimension tragique et n'avait de cesse de trouver des issues, des compromis et des moyens de conciliation pour dépasser la haine et la division. Pour lui, la paix civile et le progrès ne pouvaient se concevoir en dehors de la démocratie et du droit. Cela lui avait valu d'être cloué au pilori et d'être l'objet d'accusations grotesques et d'une mesquine campagne de dénigrement. Mais l'homme était serein et cuirassé : il considérait ces attaques avec une indifférence souriante et répliquait à ses détracteurs en utilisant l'humour, une de ses armes de prédilection. Ecouter Abdelhamid Mehri était un plaisir, tant la rigueur intellectuelle, l'immense culture et la mémoire nourrissaient une analyse tout en finesse et retenue. Inlassable combattant pour la démocratie, l'homme ne se départait jamais d'une courtoisie exemplaire qui ne cachait pas son caractère inflexible s'agissant du respect des principes de justice, d'équité et de raison. L'Algérie perd un de ses grands hommes assurément. Un homme qui était au contact des jeunes et de la modernité. Cheikh Abdelhamid n'aimait rien tant que ses rencontres avec les étudiants et, sans jamais montrer le moindre paternalisme, en vrai pédagogue, il échangeait avec chaleur. En ces temps d'incertitudes et de basculements, le vieux militant gardait toute sa lucidité et son sang-froid. Malgré les tempêtes et les drames, Abdelhamid Mehri était toujours positif et plein d'espoir. Il ne manquait jamais d'exprimer son optimisme pour des lendemains meilleurs, il avait confiance en la jeunesse de ce pays et en sa capacité à réaliser l'idéal démocratique pour l'Algérie au sein d'un Grand Maghreb des libertés et du progrès. Abdelhamid Mehri a vécu dans l'honneur et il est mort dans la dignité. A sa famille et ses proches, nous présentons nos sincères condoléances. Que Dieu l'accueille dans Son Vaste Paradis.