C'est tout un pan de notre Histoire qui est parti avec lui Le destin a voulu qu'en ce mois de janvier 2012, l'Algérie enterre un géant de la culture, le défunt Chérif Kheddam, et un autre géant de la politique, Abdelhamid Mehri. Tous deux âgés de 85 ans. Tel un couperet, la nouvelle est tombée hier, accentuant le froid glacial qui marque cette fin du mois de janvier: Abdelhamid Mehri, l'ancien secrétaire général du FLN, n'est plus. Il est décédé dans la matinée d'hier à l'hôpital militaire de Aïn Naâdja (Alger) où il était hospitalisé depuis le début de ce mois. Avec le décès de ce géant du mouvement national, c'est tout un pan de notre Histoire qui est parti avec lui. Ceux qui l'ont approché et travaillé avec lui sont unanimes à dire qu'il était un sage, courtois, compréhensif et toujours disponible. Abdelhamid Mehri a toujours jeté les passerelles, et tissé des liens entre les différents courrants politiques. Dans sa démarche, il ne laissait pas apparaître une discordance générationnelle. Engagé dans les rangs du Parti du peuple algérien (PPA) puis du Mouvement pour le Triomphe des libertés démocratiques (MTLD) dans lequel il fut membre du Comité central, le défunt a été un militant infatigable. Depuis les années 1940 jusqu'à son dernier souffle, il a consacré sa vie au militantisme politique pour une Algérie plurielle. Son dernier acte a été d'ailleurs une lettre adressée au président de la République. Le défunt donnait son avis sur les réformes politiques. Il estimait que ces réformes ont besoin d'une plus large participation des citoyens sans exclusive. Homme de dialogue et d'idées, Abdelhamid Mehri a suggéré au Président Bouteflika que les réformes politiques actuelles soient couronnées par une «conférence nationale». Sa liberté de ton et ses convictions ne lui ont pas valu que des sympathies au sein même de son parti. Abdelhamid Mehri aura été l'un des responsables du FLN qui ont imprimé au parti une ligne de parti opposant à la démarche du pouvoir au milieu des années 1990 quand il était très difficile de faire de l'opposition. En fait, cette démarche de redonner au FLN son indépendance, il l'avait entamée au lendemain du pluralisme en 1989. Il a conféré au FLN une certaine indépendance des cercles de décision. Une attitude qui lui vaudra d'être écarté à la suite du fameux «coup d'Etat scientifique». Croyant à la réconciliation jusqu'au rachis, Abdelhamid Mehri a été parmi les initiateurs et les signataires du Contrat de Rome (Sant'Egidio) en 1995 en compagnie du FFS, de l'ex-FIS, du PT et de la Laddh. Une action qui lui a valu tous les quolibets et un torrent de critiques au sein même de son parti. Depuis le Contrat de Rome, M.Mehri s'est retiré de la scène politique sans se désintéresser complètement de ce qui s'y déroulait puisqu'il est toujours intervenu pour donner son avis dans les médias - la presse écrite. Car hélas! la télévision de son pays lui a été fermée. En juin dernier, il a lancé une initiative politique destinée à rassembler les Algériens. Il a déclaré «n'avoir pas décelé une volonté chez le pouvoir d'aller vers de vraies réformes». De l'avis de ceux qui l'ont approché, Mehri n'obéit pas à la logique de la majorité politique. Il l'exprime d'ailleurs de façon claire dans la lettre qu'il a adressée au président de la République en juin dernier. Né en 1926, Abdelhamid Mehri a rejoint très tôt le Parti du peuple algérien (PPA). Membre suppléant au Congrès de la Soummam, Mehri sera chargé des Affaires maghrébines à la constitution du Gpra (Gouvernement provisoire de la République algérienne). À l'Indépendance, il occupera plusieurs postes dont celui d'ambassadeur d'Algérie à Paris. Le destin a voulu qu'en ce mois de janvier 2012, l'Algérie perde un monument de la culture, le défunt Chérif Kheddam, et un autre géant de la politique Abdelhamid Mehri. Tous deux âgés de 85 ans.