Al-Qaïda, depuis la mort de son chef, Oussama Ben Laden, et bien avant chronologiquement parlant, est affaiblie. Une vérité confirmée si besoin est par l'ancien général de l'USAF, James Clapper, et actuel Directeur du renseignement national américain (DNI), organisme sous l'autorité et le contrôle directs du président des Etats-Unis. Le successeur de Dennis C. Blair a affirmé, mardi, au cours de son audition devant la commission du renseignement du Sénat, consacrée à l'évaluation des menaces à la sécurité des Etats-Unis, que de par son affaiblissement sur son fief, localisé entre le Pakistan et l'Afghanistan, Al-Qaïda s'est vue obligée de s'appuyer davantage sur ses affidés tels l'AQMI en Afrique du Nord et les Shabab en Somalie et l'AQAP en péninsule arabique, avec le Yémen comme centre épicentre ou encore le mouvement des talibans. A l'été 2008, Abdelmalek Droudkel, alias Abou Moussab Abd El-Ouadoud, le numéro 1 du GSPC algérien, devenu en 2006, sous le parrainage de Abou Moussab El-Zarqaoui, Al-Qaïda au Maghreb islamique, et dans une interview accordée au quotidien américain «New York Times», avait repris tous les arguments guerriers de l'organisation de Ben Laden en faisant siennes les menaces proférées alors par le numéro 2 d'Al-Qaïda, Aymen El-Zawahiri, contre les intérêts occidentaux en Algérie et en Afrique du Nord. Droudkel n'avait pas hésité à menacer directement les Etats-Unis. Ce redéploiement trouve ses origines dans l'enracinement idéologique de ces mouvements qui, en réalité, sont plus indépendants de la nébuleuse depuis leur création. Le lien ombilical entre ces mouvances et la maison mère reste l'enracinement idéologique dont Ben Laden était la figure fédératrice. Pour le patron du DNI, chacun de ces groupes visera des opérations à échelle régionale contre des cibles occidentales, donc, on est en présence d'attaques ciblées géographiquement, à échelle réduite tout en sachant que la capacité de chacun de ces groupes à mener des attaques transnationales varie largement. M. Claper estime également que la lutte antiterroriste jouera, à coup sûr, un rôle prépondérant dans le devenir de ces groupes ainsi que leurs rôles dans ce qui est appelé le mouvement djihadiste mondial. Un rôle également éclairé par la concurrence médiatique entre les djihadistes à mener des opérations terroristes qu'ils prévoient à l'échelle locale et internationale. Il considère néanmoins que les deux à trois prochaines années seront une «phase de transition critique de la menace terroriste» à laquelle font face les Etats-Unis, en particulier celle d'Al-Qaïda et des groupes similaires. Il prédira, à ce propos, que durant cette période de transition, le leadership de ce mouvement va devenir plus décentralisé. Un schéma opérationnel déjà envisagé par des analystes après la mort de Ben Laden qui s'était attendu à une déferlante vengeresse de la part des «succursales» d'Al-Qaïda, particulièrement l'AQMI et l'AQAP. Le chef du renseignement américain a plaidé pour une coopération plus intense avec les alliés sur place dans la lutte contre le terrorisme pour que la décentralisation d'Al-Qaïda se dirige vers une fragmentation du mouvement dans quelques années. Pour Dominique Thomas, spécialiste des mouvements islamistes, Al-Qaïda, même affaiblie et plusieurs de ses représentants symboliques tués ces dix dernières années, garde toujours intacts ses réseaux et ses connexions avec les autres groupes à l'image de l'AQPA, l'AQMI, ou encore le mouvement des talibans pakistanais, des groupes indépendants depuis longtemps. «Plusieurs personnages symboliques du réseau ont été tués ces dix dernières années, ça n'a pas empêché le mouvement, même affaibli, de se développer sur le plan des idées et de s'étendre au niveau géographique», explique-t-il. «Il n'y a aucun doute sur le fait qu'Al-Qaïda va continuer à essayer de s'en prendre à nous. Il nous faut rester vigilants dans notre pays et à l'étranger», avait prévenu le président américain, Barack Obama, au lendemain de la mort de Ben Laden. Toujours lors de son audition, le chef du DNI a abordé le Printemps arabe sous le prisme du défi de la capacité de Washington d'influencer les événements au Moyen-Orient. Pour M. Clapper, la défaite d'Al-Qaïda et de l'international djihadiste passeront certainement par la capacité des gouvernements arabes à prendre des mesures concrètes permettant à leurs populations de participer dans la vie politique et dans les institutions démocratiques, tout en poursuivant leurs efforts de lutte contre le terrorisme.