Le phénomène de la violence prend de l'ampleur dans la société. Et l'école n'y échappe pas. Les spécialistes sont formels, l'école est ce miroir qui reflète un mal social ressenti à tous les niveaux et qui incite, désormais, à appréhender le phénomène sous toutes ses facettes. La violence n'est plus un fait isolé rapporté dans la rubrique des faits divers et vite oublié mais un phénomène où les responsabilités sont partagées, estiment enseignants, parents d'élèves, responsables de l'éducation et psychologues, et donc qui mérite des études plus approfondies. Le règlement pédagogique des conflits dans les écoles existe à travers des circulaires cadres envoyées à toutes les directions de l'éducation, mais est-ce suffisant pour lutter contre cette violence qui commence à prendre des proportions inquiétantes ? A Oran, les disputes et altercations entre élèves ou entre élèves et enseignants ou encore entre élèves et personnel administratif sont devenues faits courants. Entre le mois de janvier et février, plusieurs actes de violence ont été signalés dans différents établissements scolaires et qui ont suscité la colère des enseignants et des élèves. Au lycée El Hayat, il a suffi d'un pétard pour mettre tout l'établissement en état d'alerte et mettre à nu des dysfonctionnements constatés dans le système éducatif. Même situation au CEM Hassiba Benbouali où des enseignants ont décidé de protester suite à l'agression d'une enseignante par son élève à qui elle a interdit de manger des bonbons en plein cours. Deux situations qui montrent la faille existante entre le règlement pédagogique et son application sur le terrain. Qui faut-il blâmer ? Difficile de faire porter le chapeau de cette violence à une partie ou à une autre. Selon un enseignant, cette violence n'est pas un produit de l'école mais un phénomène qui trouve son origine dans la société. De l'extérieur, cette violence entre à l'intérieur des écoles et s'installe avec toutes les conséquences qui en résultent. L'exemple édifiant est celui de l'assassinat commis, il y a près de quatre ans, par un collégien et dont la victime n'est autre que son camarade. Pour les enseignants, cette violence est un produit de la société qui en l'absence d'un encadrement administratif adéquat, de formations pour tout le personnel éducatif pour une communication non violente, la démission des parents, la surcharge des classes et la pression du travail, trouve l'environnement favorable pour prendre de l'ampleur. «Il existe des établissements scolaires de 500 élèves qui n'ont pas de surveillant général. Il y a un manque flagrant en adjoints de l'éducation, ajouter à cela le nouveau système des horaires continus qui laissent les élèves livrés à eux-mêmes entre midi et midi trente avec toute l'insécurité qui règne », explique cet enseignant. Les parents d'élèves, eux, se plaignent du manque de considération accordé à leurs enfants. « Nos enfants sont parfois méprisés par leurs enseignants. Pour un cahier oublié ou un exercice non fait, ils subissent des châtiments. Alors qu'il existe des manières pédagogiques pour corriger un élève ou l'inciter à faire plus d'efforts sans avoir recours à une violence verbale ou physique », nous confient certains parents d'élèves. Ces derniers trouvent aussi que les programmes sont trop chargés pour qu'ils soient assimilés par les élèves arguant que «malgré notre niveau intellectuel, nous sommes dans l'incapacité d'assister nos enfants dans certains cours». L'EXCLUSION D'UN ELEVE PEUT AVOIR DES CONSEQUENCES GRAVES Au niveau de la direction de l'Education d'Oran, on considère que les moyens existent pour le règlement de manière pédagogique de tous les conflits qui surgissent en milieu scolaire. Selon le chargé de la communication, la procédure est claire pour régler le problème. La circulaire cadre du 14 novembre 2009 comporte toutes les mesures à prendre pour lutter contre la violence dans les écoles. Cette violence concerne tout le monde, élève, enseignant, adjoint de l'éducation et autre personnel de l'éducation. Le même responsable souligne qu'une 2ème circulaire cadre a été élaborée par le ministère de l'Education comportant d'autres dispositions de règlement de tout conflit. Il s'agit d'un règlement en premier temps à l'amiable en convoquant les parents pour établir une réconciliation entre les deux parties en conflit. Si cette procédure ne marche pas, on passe à une étape supérieure, celle de traduire l'auteur d'un acte de violence en conseil de discipline ou au transfert vers un autre établissement. Le chargé de communication rassure qu' « en aucun cas, il n'est prévu l'exclusion de l'élève de son établissement car cet acte peut avoir des conséquences graves ». Il précise également que pour les quartiers dits chauds, les services concernés ont été instruits pour une présence devant les écoles pour veiller à l'ordre public. Des mesures qui restent théoriques, estiment certains enseignants, élèves et parents d'élèves, preuve en est, la violence est encore présente dans les écoles avec parfois un sentiment d'insécurité ressenti par tout le monde. COMMENT EVITER LES FRICTIONS ? Cette violence est analysée par une psychologue par les conséquences des pressions que subit l'élève en dehors de l'école pour ne parler que de l'enfant ou l'adolescent scolarisé. « Cet enfant, dira-t-elle, n'a pas le droit à la parole, il n'est pas considéré comme il se doit. On exerce sur lui une autorité parentale. Il subit tous les conflits conjugaux ou familiaux. Quand il arrive à l'école, il est saturé et c'est dans cet espace que la goutte déborde parfois. Même situation pour les enseignants qui eux aussi vivent des problèmes personnels. Un cumul déversé à l'école. Cette école qui héberge tous ces maux qui lui viennent de l'extérieur ». Pour cette spécialiste, « l'école ne doit pas devenir un lieu de friction car il faut prendre les conflits comme une situation normale qui doit nous aider à changer notre mode de vie ou à se corriger. Il ne faut pas laisser un conflit se dégénérer pour aboutir à une violence ». Le meilleur moyen d'éviter ces frictions est « d'apprendre à s'écouter et à communiquer ». Notre psychologue insiste aussi sur la formation de tout le personnel éducatif à la communication non violente, à ouvrir des cellules d'écoute pour les parents au niveau des établissements scolaires, à créer une commission mixte entre la santé et l'éducation pour former enseignants et élèves sur la gestion des conflits, impliquer la mosquée dans la sensibilisation des jeunes et adultes sur la non violence ainsi que les médias lourds. Quant à M.Rouani, membre du SNAPEST, chargé de la formation et ayant participé à la conférence sur la violence dans les écoles, organisée par le ministère de l'Education, il y a deux ans, il indique sur la base de statistiques du ministère que 40% ont des comportements violents et 60% des élèves ont subi des actions de violence. Entre l'année 2010 et 2011, 3.500 actes de violence ont été recensés dans les écoles primaires entre les élèves, plus de 13.000 dans le moyens et plus de 3.000 dans le secondaire.