Mohamed Merah s'en est allé, mort dans sa chute avant même de toucher terre. Faut-il le regretter et appeler, maladroitement, comme l'a fait une enseignante dans un lycée laïc français, à une minute de silence et se faire aussitôt saquer ou continuer à stigmatiser un radicalisme religieux impossible à dissocier de la couleur de la peau, de l'accent banlieusard et de l'identité originelle. Mohamed Merah était tout sauf un fondamentaliste islamiste affichant un poster géant de Ben Laden dans sa chambre. Loin des clichés occidentaux et du battage médiatique aux relents électoralistes, « le tueur à la moto » est ce qu'on peut qualifier de loup solitaire, amoureux de l'action, fan des armes et accro à l'adrénaline et pour assouvir ses passions destructrices, il s'est tourné vers le djihad islamiste comme il aurait pu s'épanouir dans la Légion étrangère. Mohamed Merah, en assassinant trois paras à Montauban, comme pour se venger des treillis qui l'ont refusé, et en s'attaquant à une école hébraïque à Toulouse pour affermir sa nouvelle allégeance, est allé au bout de sa logique. Un voyage au fin fond de la nuit d'où on ne revient pas parce qu'au bout, il y a un terminus où tout le monde descend. Faut-il excuser pour autant l'homme ? Aucune cause au monde, aussi juste soit-elle, ne mérite qu'on y sacrifie des enfants même si certains pays comme la France, Israël, la Russie et les Etats-Unis d'Amérique l'ont déjà fait sans que cela donne lieu à un tel étalage médiatique. Mohamed Merah, ce jeune Français d'origine algérienne, une précision de taille chère à la sphère médiatique hexagonale, a déchaîné et exacerbé les passions et servi à relancer une campagne moribonde. En effet, les premières questions qui ont fleuri sur la tombe de Merah est pourquoi tout ce temps pris pour en finir avec un solitaire alors que son identité était connue des services du renseignement français ? L'homme aurait dû être maîtrisé facilement par des flics en civil dans une souricière qu'on lui aurait tendue au bas de chez lui, comme cela a été suggéré par le patron du GIGN au lieu de donner un « faux » assaut à 3 h du matin pour laisser place à un cirque médiatico-politique qui a dressé un chapiteau sur le deuil des victimes. Le décor planté, il fallait que ça dure le plus longtemps possible pour réveiller la peur chez le Français moyen et lui coller à la figure cette menace islamiste, à la gueule arabe, pour lui signifier que le danger est présent et que seul Sarkozy peut y venir à bout. Et Sarkozy, président français d'origine hongroise, a été fidèle à son discours. Celui de la haine et de l'amalgame, dans le plus pur style rhétorique de l'extrême droite. Menaçant, invectivant, appelant à l'Union, stigmatisant une religion partagée par plusieurs millions de Français, il promettra la prison aux internautes qui passent du temps à consulter des sites faisant l'apologie du terrorisme et à ceux qui voyagent à l'étranger pour parler religion. Si pour son premier mandat, Sarkozy avait surfé sur la vague de l'insécurité, la moto de Merah lui a donné l'opportunité d'explorer la piste terroriste et de sortir du placard son thème favori pour la campagne : LA PEUR.