La dégradation de la situation au Mali, perceptible depuis plusieurs semaines, s'est accélérée avec le putsch des capitaines à Bamako. L'un de ses premiers effets est de désorienter encore plus une armée qui a essuyé de nombreux revers face à une rébellion targuie mieux équipée. Celle-ci vient de franchir un pas aussi politique et militaire à haut symbole en entrant dans la ville de Kidal, abandonnée par les soldats maliens. Ironie de la situation, les putschistes à Bamako appellent à l'aide étrangère alors que leur isolement international s'est renforcé avec l'ultimatum d'un retour à la légalité constitutionnelle avant «lundi». Il n'est pas certain que les capitaines, soutenus par quelques aventuriers politiques à Bamako, entendent cet ultime appel à la raison alors que l'unité du Mali est ouvertement en question. Jamais en effet depuis que la rébellion targuie existe et cela remonte à loin la question de l'indépendance n'a été aussi ouvertement posée. Officiellement, tous les Etats de la région et ailleurs se disent soucieux de l'intégrité territoriale du Mali et s'abstiennent de soutenir cette exigence d'indépendance. La ligne générale est qu'il faut régler les problèmes posés par les Targuis dans le cadre de l'unité du Mali. Cette attitude politique qui est celle de l'Algérie par exemple est cependant contrariée par l'évolution de la situation sur le terrain. Les rebelles targuis, Mnla comme le groupe islamiste Ançar Eddine, contrôlent une partie du nord du pays et menacent désormais d'autres villes importantes du Nord. Manifestement, l'armée malienne, dont la performance était déjà médiocre en situation «normale», est aujourd'hui en situation d'incapacité de faire face à l'action de la rébellion targuie. Le seul atout pour le Mali et non pour la junte est que cette rébellion targuie ne dispose pas de soutien au sein des Etats pour son projet de l'indépendance de l'Azawad. Du moins publiquement. Cette nuance est de mise. Dans l'hypothèse où les mouvements de rébellions ne sont forts qu'en raison de la qualité de l'armement acquis en Libye, cela signifie que le flux de munitions risque de tarir à un moment ou à un autre, rendant difficile à tenir sur le long terme les victoires militaires de ces dernières semaines. Théoriquement, on est dans cette configuration et la rébellion targuie sera amenée, tôt ou tard, à revenir au cadre classique des négociations au sein de la limite de l'unité territoriale du Mali. Le problème est qu'au Sahel, ce qui est théorique n'est que théorique. Personne n'est certain à 100% que l'armement des rebelles provient uniquement des arsenaux libyens. Nul ne peut occulter la possibilité que des Etats extérieurs «au champ» ne poussent vers la création d'une nouvelle entité au nord du Mali. Bamako a été considérée, par exemple, comme le maillon faible de la lutte contre les djihadistes et certains pourraient en conclure que la création d'un Etat targui au nord du Mali serait le meilleur moyen de contrôler sérieusement cette «zone grise». La situation doit être d'autant plus suivie avec attention que le cadre protecteur du principe de l'intangibilité des frontières issues de la décolonisation a été, à nouveau, remis en cause avec éclat avec l'indépendance du Sud-Soudan.