Alors qu'un accord avec la Cedeao met fin au putsch des capitaines à Bamako, au nord du Mali la situation est chaotique. Le MNLA qui a proclamé une indépendance de l'Azawad, fortement rejetée au plan international, paraît étrangement supplanté par des islamistes en nombre plus réduit. L'Algérie tente de gérer, «dans la discrétion», le problème posé par l'enlèvement de 7 de ses diplomates. Elle est de fait, même si elle répugne à se «mêler» des affaires des autres, appelée à mener une politique plus active dans cette crise malienne. La junte militaire qui a pris le pouvoir le 22 mars dernier avec un effet calamiteux sur le fonctionnement, déjà désordonné de l'armée malienne, a accepté, vendredi soir, de signer avec la Cedeao un accord-cadre permettant le retour à l'ordre constitutionnel. L'accord a été signé par le président du Comité militaire, le capitane Amadou Sanogo et le médiateur burkinabè pour la crise malienne, Djibrill Bassolé. Ce retour à l'ordre constitutionnel ne passera pas par le retour du président Amadou Toumani Touré dont le mandat arrivait à expiration à la fin du mois. Ce sera le président de l'Assemblée nationale qui sera investi président et assurera l'intérim. L'accord prévoit la nomination d'un Premier ministre qui prendra la tête d'un gouvernement d'Union nationale avec deux grandes priorités : préparer les élections présidentielles, initialement prévues pour le 29 janvier et gérer la grave crise posée par la rébellion targuie et la montée en puissance des groupes islamistes, au nord du pays. Les putschistes ont obtenu une immunité contre les poursuites judiciaires mais ils seront en définitive associés dans les mémoires aux deux semaines les plus désastreuses dans l'histoire récente du Mali. Et il n'est pas certain que l'élection présidentielle puisse être tenue rapidement dans un pays coupé en deux, avec un MNLA qui a proclamé l'indépendance de l'Azawad et des groupes rebelles islamistes qui veulent instaurer la Charia dans l'ensemble du pays. LA NEGOCIATION OU LA GUERRE Ce retour à la légalité constitutionnelle va permettre de renouer avec les pays de la région et la Communauté internationale avec, cela paraît une évidence, une priorité absolue de recréer pratiquement une armée malienne qui s'est littéralement volatilisée devant l'avancée de la rébellion. L'armée malienne ou ce qui en reste pour être plus précis n'est pas en mesure de reprendre l'initiative, sans une aide extérieure, celle de la Cedeao paraissant la plus plausible. Même si la Cedeao, l'Union Africaine et toute la Communauté internationale ont rejeté la proclamation de l'indépendance de l'Azawad, faite par le MNLA, cela ne résoudra pas les problèmes posés au nord du pays. Le médiateur burkinabé Djibrill Bassolé a posé les termes de l'équation pour la crise au nord du pays où le MNLA est concurrencé et fortement débordé par les islamistes d'Ançar Eddine et par la présence des éléments djihadiste d'Aqmi et du Mujao : la négociation ou la guerre. Cela signifie qu'à terme, les forces de la Cedeao pourraient être engagées au nord contre une rébellion dont les forces cumulées seraient, selon les sources, de 2.000 à 5.000 hommes. Il est difficile de connaître l'état réel du rapport de forces entre les différents mouvements. LES INCITATIONS D'ALAIN JUPPE Le MNLA, qui paraissait le plus «rationnel» et donc le plus susceptible de dialoguer, s'est lancé dans une surenchère politico-médiatique en proclamant l'indépendance de l'Azawad. Une initiative totalement rejetée en Afrique et dans le monde qui visait à compenser le fait d'être supplanté sur le terrain, par ses concurrents islamistes d'Ançar Eddine. Finalement, c'est cette «menace djihadiste» qui prime aux yeux des pays de la région et d'ailleurs. La Cedeao a menacé de recourir à la force pour préserver «l'intégrité territoriale» et a indiqué qu'elle «usera de tous les moyens, y compris le recours à la force, pour assurer l'intégrité territoriale du Mali». Une force de la Cedeao de 2.000 à 3.000 hommes pourrait être envoyée dans le Nord. Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé a estimé qu'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) représentait actuellement un «péril extrêmement grave» pour le Mali. «Ce péril est extrêmement grave puisque l'objectif de l'Aqmi n'est pas de régler les problème du nord du Mali (mais) d'instaurer un Etat islamiste et djihadiste sur l'ensemble du Mali». Il a admis que le problème de l'Aqmi s'est aggravé à la suite de ce qui s'est passé en Libye» car «il est exact que des hommes et des armes sont arrivés au Sahel et cela concerne toute la région». Mais il ne s'agit pas d'autocritique mais d'inciter l'ensemble des pays de la région, dont l'Algérie, à agir. «Je ne perds jamais une occasion de dire à nos amis algériens à quel point il est important qu'ils jouent le rôle le plus actif possible dans la coordination de la réponse régionale à Aqmi» a déclaré le ministre français. DISCRETION Pour l'heure, l'Algérie qui gère le grave problème posé par l'enlèvement de 7 de ses diplomates à Gao, probablement par un groupe djihadiste, a réaffirmé sa position de principe de rejet d'une remise en cause de l'intégrité territoriale du Mali. S'agissant des diplomates, le ministre algérien des Affaires étrangères, Mourad Medelci, a déclaré, hier, qu'aucune revendication n'a été enregistrée sur l'enlèvement des diplomates. Les familles des diplomates ont été évacuées via Bordj Badji Mokhtar, vendredi par un avion des forces aériennes ainsi qu'une ressortissante française qui travaillait à l'UNICEF et qui s'était réfugiée au Consulat d'Algérie à Gao. «La cellule de crise que nous avons mise en place, suit en permanence les développements liés à cette affaire dont le traitement impose, comme vous le savez, beaucoup de discrétion», a-t-il ajouté, avant de rappeler que «le gouvernement s'est engagé à tout mettre en œuvre pour le rapatriement de nos compatriotes», a déclaré M. Medelci. Sur la proclamation d'indépendance du MNLA, il a souligné qu'à «l'instar de la Communauté internationale, nous nous sommes prononcés pour la préservation de l'unité et de l'intégrité territoriale du Mali».