L'année 2011 tirait à sa fin. Un appel téléphonique venait me rappeler la vallée du M'Zab où j'y ai passé, agréablement, 30 mois de ma vie professionnelle. Il s'agissait du Dr Salim Bahayou, médecin radiologue en pratique libérale à Ghardaïa que je n'ai pas eu, encore, l'honneur de rencontrer. Il m'annonçait que l'Association des praticiens privés de la wilaya de Ghardaïa comptait organiser ses Xes Journées médicochirurgicales et de stomatologie les 4 et 5 mai de l'année 2012. A ce titre, le collectif médical du bureau exécutif me conviait, amicalement, à cet événement scientifique. Honoré et fier du chemin parcouru par la famille médicale de cette belle contrée, je ne pouvais qu'accepter cette marque de considération affectueuse. Cette invitation me renvoyait à la fin de l'année 1994 où j'avais pris, en avril, mes fonctions de Directeur de la Santé et de la population. Recevant, à la fin du mois de décembre, le professeur Mohamed Aboulola, qu'il n'est nul besoin de présenter, nous abordions le problème de la formation continue en général et celle du corps médical en particulier. Echaudé, quelques peu par une ou deux expériences non concluantes, l'éminent chirurgien infantile montrait, ce jour là, quelque scepticisme, somme toute légitime. L'argumentaire du directeur de la santé, tenait en peu de mots : «Cher professeur, la chance qu'a le corps médical de Ghardaïa n'est nulle part rencontrée dans l'Algérie profonde. Il côtoie tous les jours l'université, faisant bien sur allusion à sa présence régulière, à l'intérieur des murs de la cité». J'osais, respectueusement, le défier par le pari suivant : «Je m'engage à vous livrer un centre de documentation et de formation continue, à la fin de la première moitié de l'année qui s'annonce». Je lisais à travers son regard amusé de vieux routier, que l'échec sera tristement consommé. On a du l'abreuver, dans sa longue et riche carrière hospitalo -universitaire, de mirifiques promesses non tenues. L'idée d'une telle création avait germé bien avant cet entretien en regard, des énormes besoins en ressources humaines, notamment spécialisées. Les services de Santé, en ces temps de vache maigre, ne disposaient en tout et pour tout que de deux chirurgiens, l'un à El Menia et l'autre à Metlili qui du reste, quitta la wilaya au mois de mai de la même année. Ghardaia relativement «riche» en spécialistes libéraux, disposait d'une ophtalmologiste, d'une chirurgien pédiatre, d'un dermatologue, d'un gynéco-obstétricien et d'un neuro chirurgien. Il faut à, cette occasion, rendre hommage à ces praticiens, conventionnés ou pas, qui ont toujours répondu aux sollicitations de l'administration ou de tiers en quête d'une assistance. L'hôpital public, quant à lui, ne disposait que d'un spécialiste en anesthésie réanimation et d'un hépato-gastro-entérologue qui étaient sur tous les fronts. L'effectif des médecins généralistes était plus ou moins satisfaisant, mais posait cependant, quelques soucis pour les gardes et les périodes des congés. Le lieu tout indiqué pour abriter cette structure, fut l'annexe de l'école paramédicale sise à l'hôpital Bakir Gueddi en plein centre ville. L'arrière- pensée évidente dans ce choix, était l'essaimage des cabinets privés et des structures sanitaires de base autour de ce point nodal. Il fallait offrir au corps médical «déchiré» par une dichotomisation idéologique, un cercle de réflexion et de rencontre pour des mises à niveau au moment même, où la planète entrait de plain-pied dans les sciences des technologies de l'information et de la communication. Le Ministère de tutelle lançait par l'intermédiaire de sa direction de la formation, dès 1993, l'acquisition d'équipements didactiques pour 13 centres de documentation et de formation continue. Votre serviteur, à peine arrivé à Ghardaïa, constatait que celle-ci n'était pas programmée dans cette opération. Et c'est grâce à la bienveillance du Dr Nadia Korichi, Directrice de la formation, que le centre fut inscrit dans le programme en bénéficiant d'un équipement didactique et d'un lot de livres qu'une autre wilaya n'avait pas pris la peine d'enlever. Le wali de l'époque, M. Kheiredine Chérif, connu pour être un homme de grande culture, mis les finances de la wilaya à contribution en allouant au centre naissant, une enveloppe de 130.000 de dinars qui fut versée à l'Office des publications universitaires (OPU) pour l'acquisition d'ouvrages et d'une Encyclopédie médico chirurgicale. Le Docteur Omar Louahadj, gestionnaire du centre, pris son bâton de pèlerin pour se consacrer corps et âme à cette belle œuvre. Après les aménagements nécessaires pour une fonctionnalité optimale, le volet bureaucratique fut confié à une association scientifique. Cet outil de gestion dotée d'une trésorerie, pouvait générer des fonds propres débarrassés de la lourde et lente gestion administrative. Le 1 er mai 1995, le nouveau centre ouvrait ses portes aux publics, médical, paramédical et administratif. Il disposait d'une salle de conférence, d'un coin repos, d'un bureau et d'une petite cafétéria. Il offrait pour la première fois, un lieu de convivialité aux médecins, sages-femmes et autres auxiliaires médicaux. Il organisa, une multitude de rencontres scientifiques de haute facture. Il organisait les premières journées médicales de Ghardaïa, totalement sponsorisées et dont la ristourne, après paiement de toutes les charges, s'élevait à 300.000 DA. Cette manne providentielle, allait constituer le premier fonds de roulement du Centre. Il participait dès septembre, à l'organisation du 2è congrès de la Société algérienne de chirurgie orthopédique et traumatologique (SACOT) et dont le Pr Ait Belkacem en était le président. La présence du Pr Yahia Guiddoum, alors, Ministre de la Santé et de la Population, fit prendre aux services de santé locaux un tournant décisif. L'intense activité du centre dépassa largement le cadre régional pour être référentielle sur le plan national de l'aveu même d'illustres visiteurs. Profitant de la commémoration du Jour du Savoir, du 16 avril 1996, il fut baptisé du nom du défunt Dr Djillali Belkhenchir. Malheureusement, les sirènes du gommage des mémoires en firent autrement. Au départ définitif du Dr Louahadj , le CDFC disposait d'une trésorerie qui s'élevait à 2.000.000 DA, d'un fonds documentaire (Livres et CD Rom) qui ferait pâlir de jalousie certaines structures universitaires et d'un savoir-faire éprouvé. La salle de lecture, installée plus tard au rez de chaussée, disposait de près d'une dizaine de PC. Il a été pour l'histoire, le premier centre du pays à disposer de l'Internet. Le Centre de recherches en information scientifique et technique (Cerist), cet organisme à la recherche d'un «gite», a été gracieusement abrité au Centre documentaire, momentanément, suite à quoi il dota ce dernier d'une immense parabole, ce qui lui permit d'avoir une fenêtre gratuite sur la Toile. La notoriété acquise sur le plan national du lieu, céda au bout de quelques années, sous les coups de boutoir de l'inconséquence et de l'incurie. Un silence mortifère, envahit présentement les lieux.