Tina. Ce qui peut évoquer un joli prénom recouvre un sens hideux pour les classes populaires et les classes moyennes en Europe. Tina est l'acronyme de «There is no alternative» (il n'y a pas de solution alternative), formule rendue célèbre par Margaret Thatcher. La formule incarne la soumission totale des politiques aux «lois» des marchés. Tina est aussi l'abréviation d'une emprise intellectuelle sans partage qui tend à discréditer toutes idées ou politiques alternatives à celles des marchés désencadrés. La Grèce, soumise à un régime sévère qui place le pays au bord de l'asphyxie, n'est qu'une introduction générale à un ajustement structurel de premier ordre. L'Espagne, où des mesures d'austérité draconiennes sont mises en œuvre (1 actif sur 4 est au chômage et la majorité des régions autonomes est en faillite), est entrée officiellement en récession. Compte tenu de son importance relative, l'Espagne pourrait bien être le déclencheur d'une crise générale amorcée par une Grèce, traumatisée et dont on attend de voir comment elle va voter dimanche. Les perspectives d'une rigueur durable sont telles que l'on commence à évoquer un plan européen de relance de la croissance. En Italie, où les mêmes cures d'austérité sont mises en œuvre, des fonctionnaires travaillent depuis des mois sans être payés. C'est la faute à Tina. La réponse européenne par l'austérité et l'appauvrissement des populations ne fonctionne pas mais elle demeure l'unique remède envisagé par les élites politiques européennes prisonnières d'une invalidante logique d'équilibre. Cette tendance, exacerbée par la phobie germanique de l'inflation, s'impose d'autant que l'Allemagne est le banquier de l'Europe. Cela donne du champ aussi bien à la montée des luttes sociales avec un retour, encore timide, de la gauche, mais également à celle des courants d'extrême droite racistes et xénophobes. Les thèmes de cette dernière, comme on le voit en France, sont repris avec avidité par la droite réputée «républicaine». La pragmatique réponse américaine à la crise, faite de subventions de taux et crédits aux banques, paraît mieux fonctionner que les réponses idéologiques européennes. Il est vrai que la Fed (réserve fédérale) mène une politique étasunienne alors que la Banque centrale européenne, encadrée par ses statuts, ne peut le faire. Et dans ce domaine, les Allemands, leur économie étant en excellente santé, ne veulent pas que les choses changent. L'Europe est aujourd'hui dans le Tina d'Angela Merkel. Les Allemands qui ont consenti beaucoup d'efforts et de sacrifices pour construire une économie performante attendent que les autres pays européens en fassent autant. Ils considèrent que ces nécessaires sacrifices seront suffisants pour retrouver des équilibres vertueux et donc le chemin vers la performance économique. C'est, disent de nombreux économistes, une analyse erronée. Les structures économiques des pays du Sud européen sont très différentes de celles du Nord européen et l'impitoyable ajustement qui leur est imposé risque de les paralyser davantage et de propager la récession sur le continent. Dans un contexte où la crise financière est loin d'être achevée, une telle récession pourrait bien sonner le glas de la monnaie unique européenne dans sa forme actuelle. Les conséquences sociopolitiques sont imprévisibles dans une situation largement déterminée par la montée des populismes. Mais les marchés étant au pouvoir à Bruxelles et les politiques enfermés dans un dogme rigide, Tina reste bel et bien l'horizon de la crise