Les conséquences négatives sur les économies réelles seront catastrophiques en cas d'éclatement de la zone euro. Les créditeurs continuent à financer la banqueroute de l'Europe à des taux suicidaires pour les économies. Le Portugal, l'Espagne et maintenant l'Italie après l'Irlande doivent payer des taux d'intérêt proches de 7%, ce qui suppose que la récession est garantie. Réduire le déficit budgétaire à 3% dans les conditions de financement actuelles pose le problème du remboursement de la dette pour l'Italie, qui risque de s'enfoncer davantage dans un défaut de paiement, sans pour autant attendre un plan de sauvetage au regard de l'importance de sa dette. Toutes ces incertitudes économiques enchevêtrent à court terme les solutions politiques. Les politiques de replâtrage consistant à prendre des mesures d'austérité au cas par cas, l'absence d'une politique monétaire commune regroupée au niveau de la Banque centrale Européenne, le refus de mettre en circulation des euro-obligations combiné à l'absence d'une politique fiscale identique aux Etats de l'Union monétaire et du marché européen tendent vers une implosion de la monnaie unique. Les vraies décisions ne sont pas prises et ne figurent même pas à l'ordre du jour pour protéger les pays en difficulté contre la prédation des marchés financiers. Le Fonds européen de solidarité est l'objet d'incertitudes persistantes quant à son fonctionnement, et le temps de la prise de décision au niveau politique est trop lent. Ce qui prévaut actuellement est une comédie grotesque basée sur les intérêts respectifs des Etats au détriment de l'euro groupe, et de la morale publique. Les remèdes pour une sortie de crise s'amenuisent, l'entrée de l'Espagne en récession d'après une étude faite mardi par l'institut d'études BBVA Research. Jusqu'à présent, la croissance espagnole, bien que faible (0,4% au 1er trimestre, 0,2% au deuxième) est restée dans le vert grâce aux exportations, face à une consommation des ménages atone, dans un contexte de chômage record. Le scénario qui prend forme en Irlande, en Grèce, au Portugal et en Espagne confirme la probabilité d'une contagion à l'Italie en dépit de la solidité de son économie classée troisième dans la zone euro. Une croissance négative revue à la baisse pour l'ensemble de la zone euro, des plans d'austérité drastiques, un ralentissement économique global et une contraction de la consommation entraîneraient encore des dérapages de la dette, et une aggravation de la décroissance. Le cercle vicieux en somme continue. Au lieu de financer l'économie pour dégager la croissance, faire baisser le chômage, en relançant la consommation, les politiciens recapitalisent les banques pour leur demander de prêter aux Etats. Cette méthodologie n'a qu'un seul but : consolider le rapport de force en faveur des banquiers et du patronat. Tant qu'il n'y aura pas de modifications en profondeur du fonctionnement des banques, ainsi que des réformes radicales sur le système monétaire concernant les monnaies de change, et le retour à des valeurs refuges sûres, les économies mondiales continueront à chavirer au gré des conjectures politiques ou financières. La remise en cause d'un siècle d'acquis sociaux obtenus au prix de lourds sacrifices par la classe moyenne et laborieuse en dit long sur la volonté des dirigeants partisans de l'ultralibéralisme de vouloir coûte que coûte dompter les populations. En France, en Italie, en Espagne ou ailleurs, les maux sont les mêmes. Ils sont dus aux extravagances du libéralisme économique. La crise actuelle est en train de provoquer des crises institutionnelles et politiques tout en creusant davantage le fossé séparant les riches et les pauvres. Aujourd'hui en Grèce, ce sont les ménages, les moyennes et petites entreprises, le secteur des services et les commerces qui paient le plus le prix de la stabilité financière, alors que les grandes entreprises sont épargnées. Idem dans les autres pays. En France, le nouveau plan d'austérité de François Fillon a été qualifié comme étant le pire après celui de 1945. Selon les propos du Premier ministre français, «le mot faillite n'est plus abstrait». Il parle de sacrifices et dévoile que tous les impôts vont augmenter, que le départ à la retraite sera à 62 ans en attendant de le porter à 67 ans, probablement juste après les élections de 2012. Au niveau de l'Union européenne, il y a des accumulations de pressions politiques et de types financiers qu'on peut qualifier d'anti-démocratiques au regard des abus que peuvent se permettre les banquiers, ou certains hommes politiques. Certains pays souverains se sont retrouvés sous tutelle politique et financière. Le directoire franco-allemand a fait pression pour que le référendum soit annulé, et vraisemblablement pour que le Premier ministre Papandréou démissionne. Le président de l'Eurogroupe demande un engagement écrit au futur gouvernement pour s'assurer que les Grecs respecteront bien la sévérité du plan de rigueur budgétaire, que le pays ne quittera pas la zone euro, et que la Grèce au cas où, sous la pression de la rue, était amenée à quitter la zone euro, que le remboursement de la dette se ferait bien selon les conditions négociées pour l'obtention des prêts. On en est arrivé au point où les Etats financeurs décident de ce qui doit se faire dans les parlements des pays en difficulté, et au point où les revendications populaires ne soient plus prises en compte. La dette grecque est une goutte d'eau comparativement à celles des puissances économiques européennes. La Banque centrale européenne aurait pu la racheter dès le déclenchement de la crise. Si la BCE avait eu une politique monétaire commune, elle aurait pu racheter la dette européenne, mais il apparaît clairement qu'il n'y a pas de volonté politique commune de la part des Etats riches pour payer pour les autres. Allemands et Français, entre autres, auraient pu éviter de laisser le champ libre à la spéculation, que les taux d'intérêt ne grimpent à des niveaux déraisonnables, ne serait-ce que par esprit de solidarité. S'il y avait un cadre législatif commun, les Européens n'en seraient pas là. La première alerte sur un éclatement de la zone euro est passée avec le départ de Papandréou, Demeure la menace de la détermination des indignés, et la capacité des syndicats à ne pas se laisser imposer un régime au pain sec. La Grèce fut un champ d'expérimentation. Avec l'Italie à présent, les marchés financiers sauront s'ils arriveront à soumettre les populations européennes.