Boualem M'Rakech, président de la Confédération algérienne du patronat, donne dans cet entretien un aperçu des propositions contenues dans un mémorandum au gouvernement pour améliorer l'environnement économique du pays. Pour lui, les entrepreneurs sont assaillis par des faux problèmes créés par une «bureaucratie d'un autre âge» et il faudra s'y attaquer si on veut limiter l'extension de l'informel. La CAP va transmettre un mémorandum au gouvernement portant sur des propositions pour améliorer l'environnement économique du pays. De quoi s'agit-il exactement ? La réduction de l'importation passe nécessairement par une véritable économie de production, par un mécanisme à mettre en place qui cible le secteur à promouvoir dans une 1ère phase. Dans une seconde phase, il y aura l'exécution d'un dispositif spécifique ANDI, établi avec les Douanes d'une manière périodique et où seront formulées les données destinées à la substitution des importations au bénéfice de l'investissement concerné. Celui-ci aura accès aux avantages : assiette foncière au dinar symbolique, facilitation bancaire, fiscalité et charges sociales appropriées. L'informel tend à s'étendre, il faut un redéploiement en direction des véritables patrons à travers un dispositif de qualité assurant la prise de sanction directe. Pour l'efficacité de la démarche, dont les résultats sont ressentis ailleurs, nous proposons la création indispensable d'un organe de suivi avec la participation de tous les concernés et les intéressés. Le développement est porté aujourd'hui par la commande publique, nous souhaitons que s'effectue plus tôt le transfert d'une partie de la dépense engagée par le Trésor public vers l'entreprise. Une des premières nuisances pour l'entreprise est le grand retard dans le recouvrement des créances au sein des administrations. Cela engendre des retards dans le planning des travaux, des révisions en hausse des prix, etc. Nous proposons la désignation de médiateurs sectoriels dans un 1er temps. Si la constatation de la créance est effective, qu'un débit d'office soit appliqué auprès de la banque domiciliataire. Enfin, et afin d'enrayer les abus de position, il faut aménager un droit de recours à exercer auprès des tribunaux. Le foncier industriel, malgré les efforts consentis, reste insuffisant, souvent sans dispositif de soutien. Nous recommandons des modalités permettant la création de zones industrielles et d'activités par les sociétés algériennes privées suivant les modèles existants. Qu'en est-il du Pacte national économique et social ? Nous proposons de donner force de loi au Pacte national économique et social. Il s'agit de le positionner sur l'échiquier économique comme fonction sociale de développement en le rendant moins vulnérable par un texte de loi. Après plus deux ans d'application du dispositif de mise à niveau, une nouvelle approche est nécessaire pour une opération qui doit toucher 20.000 entreprises. Aujourd'hui, nous commençons timidement à agir avec environ 400 entreprises, des milliers d'autres sont en attente. Il faut réviser totalement le dispositif avec l'implication des représentants des entreprises pour l'établissement des impacts par branche sectorielle, l'éligibilité à la mise à niveau et le suivi opérationnel. Pour les dispositions fiscales, il semble qu'une évolution dans un sens positif est en train de s'engager. Il est important que cette réforme trouve son ancrage à travers le vécu, par l'automatisation des déclarations et règlements fiscaux et la décentralisation des recettes publiques par le règlement des dépenses de l'Etat, la suppression de la double imposition, de la TAP et de fixer la TVA à 12% pour les produits locaux, apportant une valeur ajoutée minimum de 20% et entrevoir une TVA sur les intrants de la production D'autres propositions portent sur l'échéancier du règlement de la dette, l'augmentation du seuil pour le Credoc et aussi l'installation d'un comité d'éthique avec la participation des entreprises Ne pensez-vous pas qu'il est temps d'unir les efforts des différentes organisations patronales ? A question claire réponse claire. Dans nos textes, il est stipulé que la Confédération s'efforcera par tous les moyens la régissant à atteindre l'objectif d'une coordination unifiée et son assemblée générale aura à se prononcer par des mesures appropriées, y compris sa dissolution. Il faut se rendre à l'évidence que l'ouverture dans son ensemble est récente. Elle a engendré le rejet d'une vision unique et monopolistique et cet élément majeur a eu pour origine une multiplication d'organisations patronales. Les opérateurs du secteur privé revendiquent beaucoup, c'est leur droit. Ne pensez-vous pas qu'il faut d'abord commencer à être juste à l'égard des travailleurs avant de réclamer justice au gouvernement ? Les opérateurs économiques passent leur temps à essayer de régler les nombreux faux problèmes qu'on ne trouve pas ailleurs. Cela va du petit raccordement aux différents réseaux, à l'approvisionnement des matières, pièces, etc. ainsi qu'aux éléments constituant la production liée aux activités annexes et aux décisions administratives extrêmement lourdes et paralysantes. Je suis tout à fait d'accord pour dire que la situation actuelle pénalise l'ensemble des parties (Etat, employeurs, salariés). Il faut procéder à une profonde révision des relations de travail et cela passe par des règlements intérieurs et particulièrement par des conventions collectives sectorielles. Nous avons proposé, il y a deux ans, une politique salariale basée sur des rapports vitaux de droit. Nous avons appelé à constituer rapidement des commissions paritaires (employeurs-salariés) pour procéder à la définition des postes et parvenir à la classification de l'ensemble des personnels. Ce procédé universellement admis permet un meilleur ajustement des salaires que ce qui est fait aujourd'hui, y compris pour les salaires minimums qui doivent obéir aux indices annuels de l'inflation. Tout cela va permettre de rompre avec les grandes faiblesses actuelles. L'effort de réglementation et de restrictions pour diminuer les importations paraît sans effet sérieux. Pourquoi, selon vous ? La batterie de lois et restrictions fait appel à des applications sur les différents terrains d'exécution. Mais la paralysie et le blocage de la bureaucratie d'un autre âge détruisent et noient l'essentiel du dispositif des réformes initiées. Des réformes très importantes ont été engagées ces dernières années ouvrant un espoir de progrès. Malheureusement, elles n'ont pas été appliquées et cela engendre des coûts exorbitants touchant même à la cohésion nationale. Je souligne que nos propositions n'entament en rien les deniers publics.