L'Algérie va célébrer le cinquantième anniversaire de son indépendance avec une frontière terrestre fermée avec le Maroc, la seule dans ce cas dans le monde entre deux pays en paix. Les promesses de 2011 se sont enlisées en 2012 alors que l'initiative tunisienne de faire le saut toute seule vers l'espace économique maghrébin commun met à nu l'immobilisme politique des voisins. L'Algérie n'exclut plus d'ouvrir sa frontière terrestre avec le Maroc sans attendre de nouveaux développements géopolitiques régionaux. Mais la démarche est infiniment lente. Une délégation du ministère du Commerce s'est rendue à Rabat début juin pour discuter d'une liste de produits marocains qui seraient «autorisés» à l'importation en Algérie afin de réduire le déficit commercial entre les deux pays. «Ces produits devraient passer par la frontière terrestre», affirme une source proche du ministère du Commerce. L'idée de l'ouverture d'un corridor économique entre l'Algérie et le Maroc par lequel transiteraient des petits flux de produits commerciaux ferait donc son chemin en «éclaireur», avant d'en arriver à la circulation des personnes. Le Cercle d'action et de réflexion sur les entreprises (CARE) a organisé en janvier 2011 un événement sur cette proposition de corridor économique, comme première étape vers la réouverture totale de la frontière entre l'Algérie et le Maroc. Les officiels algériens ont toujours soutenu en privé que l'ouverture de la frontière terrestre avec le Maroc avantagerait la balance commerciale marocaine, sans que jamais aucune étude vienne étayer cette appréhension. La réalité pour l'heure est que la balance est largement excédentaire au profit de l'Algérie depuis 2005 que le Maroc consomme 500 000 m3 de gaz naturel algérien prélevé du gazoduc GME pour sa méga-centrale électrique de Tahaddart, puis celle hybride solaire-gaz de Aïn Béni Mather. Le solde des échanges entre les deux pays a connu un excédent de près de 700 millions de dollars au profit de l'Algérie sur un flux de 936 millions de dollars d'exportations, pour l'essentiel énergétiques. «Il faudra beaucoup de temps avant que les exportations marocaines vers l'Algérie relancées par la réouverture de la frontière terrestre viennent renverser complètement la structure des échanges entre les deux pays. Des produits algériens profiteront également du transit terrestre. Ils existent en grand nombre dans les filières de l'agro-alimentaire, des semi-produits et dans les matériaux de constructions», estime la source proche du dossier. L'ouverture partielle de la frontière terrestre pour des flux de marchandises, si elle n'est pas encore une option arrêtée encore, peut servir de test d'évaluation avant le rétablissement d'une circulation normale. L'ELAN FREINE DE 2011 Les spéculations sur une ouverture de la frontière terrestre entre l'Algérie et le Maroc dans le courant de l'été 2012 étaient retombées ces deux derniers mois en particulier après l'affaire Ross, venue rappeler la distance entre les deux capitales dans le dossier sahraoui. Le contexte du printemps arabe de 2011 qui a poussé Alger et Rabat à envisager un rapprochement perceptible s'était déjà quelque peu dilué en 2012, malgré l'alternance à la tête du gouvernement marocain. Le gouvernement algérien acculé l'année dernière après les émeutes du début de l'année et les tentatives de manifestations de la CNCD à Alger, estime s'en être bien sorti et regarde les «concessions» maghrébines dans sa politique avec moins d'empressement. Deux évolutions peuvent apporter une nouvelle brise dans le dos de l'élan maghrébin d'Alger de l'année 2011 : le retour menaçant à la précarité de finances publiques, avec un baril de pétrole largement en dessous des 110 dollars, et un militantisme pro-maghrébin de la direction politique tunisienne accentuant les attentes populaires pour une intégration régionale. La dernière mesure du président tunisien d'accorder unilatéralement les 05 libertés aux citoyens maghrébins en Tunisie a particulièrement gêné Alger, engoncée dans une vieille doctrine de blocage de la frontière ouest et sans réponse devant la volonté politique tunisienne d'avancer dans la construction du Maghreb, commençant par son espace économique. Sur ces cinquante années d'indépendance, la frontière entre l'Algérie et le Maroc est restée fermée entre 1975 et 1989, puis de 1994 à aujourd'hui. 31 ans de fermeture sur 50 ans d'existence de l'Etat algérien, un scénario sans équivalent dans le monde. Alger n'en porte pas seule la responsabilité, beaucoup s'en faut. Mais la persistance à rallonge de cette dernière fermeture devient incompréhensible pour les acteurs économiques de la région maintenant le niveau d'échanges commerciaux intra-régional en dessous des 3% de la totalité du commerce extérieur pratiqué par les 05 pays de l'UMA. Là aussi une singularité planétaire pour des pays frontaliers. La frontière terrestre entre l'Algérie et le Maroc a été rouverte en une seule occasion en février 2009 pour permettre le passage du convoi "Ligne de vie pour Gaza", de 120 véhicules chargés d'aide humanitaire. Le convoi venait de Grande-Bretagne et était conduit par le député britannique Georges Galloway.