Peu avant de quitter Alger au terme de sa visite, le ministre français des Affaires étrangères a assuré que l'objectif de sa mission : relancer les relations algéro-françaises a été «pleinement atteint». Il a ajouté qu'il repartait avec le sentiment qu'une «nouvelle page est en train de s'écrire entre les deux pays». Il est en tout cas indubitable que les deux parties sont satisfaites des résultats de leurs entretiens qui leur ont, semble-t-il, permis de s'entendre sur une démarche visant à la conclusion d'un « partenariat d'exception » entre l'Algérie et la France. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'il n'existerait plus de sujets qui fâchent entre les deux Etats. Parmi ceux-là celui du conflit sahraoui sur lequel Alger et Paris sont en désaccord et sur lequel il n'y a pas eu de rapprochement entre les deux capitales à l'occasion de la visite de Laurent Fabius. Et cela a été sous-entendu par ce dernier en persistant dans la thèse à laquelle s'accrochent les autorités de Rabat à savoir que le conflit sahraoui est une affaire algéro-marocaine. Ce qu'il a clairement énoncé en avançant la possibilité d'une médiation française sur le sujet entre Alger et Rabat. Il faut souligner que Laurent Fabius n'a pas émis cette proposition lors de la conférence de presse qu'il a animée conjointement avec son homologue algérien, mais au cours de celle qu'il a tenue seul à l'ambassade de France. Il savait qu'une telle proposition lancée en présence de Mourad Medelci aurait été immédiatement refusée par lui. Elle est en effet totalement en contradiction avec le principe posé et suivi par l'Algérie que les différends algéro-marocains ne se discutent et ne se négocient qu'entre Alger et Rabat sans médiation de tiers. Et surtout elle valide l'assertion marocaine que l'Algérie serait l'obstacle au règlement du conflit sahraoui. Pourquoi donc Laurent Fabius s'est-il laissé aller à faire une telle proposition au terme d'une visite destinée à atténuer les divergences qui parasitent les relations algéro-françaises ? Il aurait pu se contenter de botter en touche sur la question sahraouie sachant que sur cet épineux dossier les positions algérienne et française demeurent aux antipodes. N'est-ce pas de sa part façon de faire comprendre que sur ce point aucun compromis n'est possible entre l'Algérie et la France ? Sa sortie de dernière minute a dû en tout cas être très mal perçue par les autorités algériennes qu'il semble avoir voulu acculer à donner l'impression qu'elles ne s'opposeraient pas irrévocablement à une médiation entre l'Algérie et le Maroc même si le pays qui « l'offre » s'arroge le droit d'être juge et partie dans l'affaire. Plus qu'un impair, le propos de Fabius sur une possible médiation de la France dénote que le lobby marocain à Paris n'a rien perdu de son influence dans la sphère politique française même après les changements intervenus à ce niveau suite à la victoire des socialistes dans l'élection présidentielle. Il reste à savoir si François Hollande partage le point de vue émis par son ministre des Affaires étrangères manifestement sous influence de ce lobby marocain. Auquel cas la « relance des relations algéro-françaises » aura là l'une des pierres d'achoppement sur laquelle elle butera.