La bataille pour Alep a commencé hier. La ville est déterminante pour la survie du régime qui veut entraver un scénario à la libyenne de création d'une « zone de sécurité » comme à Benghazi en Libye. Des islamistes algériens participeraient aux combats à Alep. Les Occidentaux dénoncent un massacre annoncé. Moscou estime irréaliste d'attendre une passivité de Damas. La bataille pour Alep a commencé, hier, en Syrie avec le début d'une contre-offensive des forces gouvernementales pour reprendre les quartiers de la ville tombés entre les mains des rebelles. L'armée avait massé des renforts au cours des dernières quarante-huit heures et encerclé la ville entravant ainsi le flux des hommes et des armes vers la ville. L'armée gouvernementale semble avoir concentré ses opérations sur le quartier de Salaheddine où se trouverait le plus grand nombre des rebelles. Selon des sources de l'opposition, dix soldats et trois insurgés ont été tués dans les combats samedi dans la ville d'Alep. Certaines informations n'étaient, cependant, pas bonnes pour les rebelles qui se retrouvent encerclés à Salaheddine. Ils auraient tenté une sortie du quartier mais ont été repoussés par les forces gouvernementales. Le quartier de Salaheddine est tenu par des insurgés syriens mais aussi des étrangers regroupés dans le «Liwa Tawhid al-Moujahidine», la Brigade de l'unification des moujahidines parmi lesquels figurent des Tchétchènes, des Algériens, des Suédois et des Français musulmans. Les civils, femmes et enfants notamment, ont quitté le quartier pour se réfugier dans d'autres secteurs de la ville. L'armée a recours aux hélicoptères, à l'artillerie et aux chars. Il y aurait une centaine de chars autour du quartier de Salaheddine (sud-ouest) qui pourrait être le lieu où se décidera la bataille d'Alep, capitale économique de la Syrie, devenue pour les deux parties en guerre un enjeu décisif. Il ne s'agit pas d'un simple symbole. La ville est une clé stratégique sur le chemin de la Turquie et constitue, pour celui qui la contrôle, un avantage décisif dans la conduite du conflit. UNE «BENGHAZI» SYRIENNE ? L'Armée syrienne libre (ASL) semble avoir mis le paquet. Un des dirigeants de l'ASL affirme que 3000 combattants sont venus de différentes régions de Syrie pour participer à cette bataille, ce qui porterait les forces de la rébellion à 5500 hommes. Alep est bien un enjeu considérable. La conquérir et la contrôler permettrait de créer une «zone libre» ou zone de sécurité le long de la frontière turque dans le nord-ouest du pays. Un tel scénario permettrait de donner à Alep le rôle de Benghazi dans le conflit libyen. A défaut d'une intervention directe des forces occidentales, cela permettrait d'organiser de manière plus soutenue l'afflux d'armes en provenance de Turquie. L'entreprise n'est pas aisée pour ne pas dire hasardeuse. Après avoir repris en main Damas, les forces gouvernementales ont massé des troupes autour d'Alep, fermant ainsi le flux d'armes et d'hommes vers la ville. La bataille d'Alep est décisive car c'est le chemin vers Damas pour l'ASL, c'est le verrou pour protéger la capitale politique pour le régime. Les pays occidentaux, apparemment peu convaincus de la capacité de l'ASL à faire face à la contre-offensive des forces gouvernementales, ont multiplié les déclarations mettant en garde contre un «massacre». La France a évoqué de «nouvelles tueries» que s'apprête à commettre Bachar, les Etats-Unis ont condamné par avance une «agression haïssable et répréhensible des forces d'Assad contre ce centre de population civile». Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a demandé au «gouvernement syrien à arrêter l'offensive». Un appel vain dans une bataille que chaque partie qualifie de «décisive», de «mère de toutes les batailles». «VENEZ, RENVERSEZ-MOI, CHANGEZ LE REGIME !» La Russie tout en évoquant un risque de « tragédie » a estimé irréaliste de demander au gouvernement syrien de rester passif face à l'occupation des villes par des groupes armés. « Lorsque l'opposition armée occupe des villes comme Alep, où une autre tragédie se prépare à ce que je comprends (...) il n'est pas réaliste de compter qu'ils (le gouvernement) l'accepteront », a déclaré le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov. « Comment peut-on espérer que dans une telle situation le gouvernement puisse simplement se résigner et dire +d'accord, je me suis trompé. Venez et renversez-moi, changez le régime+. Ce n'est tout simplement pas réaliste - pas parce que nous sommes attachés à ce régime - mais tout simplement parce que ça ne marche pas », a-t-il dit. «Nos partenaires occidentaux... avec certains voisins de la Syrie, pour l'essentiel encouragent, soutiennent et dirigent une lutte armée contre le régime. Le prix en est toujours plus de sang », a-t-il ajouté. La Russie a fait savoir, par ailleurs, qu'elle ne permettra pas l'inspection des navires battant pavillon russe dans le cadre des sanctions décrétées par l'Union européenne contre la Syrie. L'Union européenne a approuvé récemment de nouvelles sanctions et ses membres se sont engagés à inspecter les navires et les avions ayant pour destination la Syrie «s'ils les soupçonnaient de transporter des armes ou des équipements destinés à la répression interne ». «Nous n'avons pas l'intention de participer aux démarches visant à faire exécuter les décisions adoptées par l'UE à l'encontre de la Syrie, et nous ne donnerons pas notre accord pour l'inspection de navires naviguant sous pavillon russe», a indiqué le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères Alexandre Loukachevitch.