J'ai eu à lire le compte-rendu publié dans «Le Quotidien d'Oran», par Ziad Salah, à propos de la conférence que j'ai eue à prononcer en même temps que mon ami Fouad Soufi, lors de la soirée du jeudi 26 juillet dans le cadre du cycle organisé par l'IDRH, en son siège à Canastel. Au-delà de la présentation de cet article qui tendait à schématiser des questions complexes sur lesquelles nous nous étions prononcés avec plus de précisions et de nuances, je vous serais reconnaissant de bien vouloir rectifier auprès des lecteurs de votre journal, des erreurs et déformations concernant des propos qui m'ont été attribués dans l'article et j'en retiendrai trois : 1. Je n'ai pas déclaré que « les historiens algériens à partir du XXème siècle ont opté pour l'histoire occidentale au détriment de l'historiographie musulmane », mais que dans le monde islamique interféraient « deux traditions historiographiques : la tradition historiographique héritée de l'islam médiéval, et celle issue de l'acculturation due à la colonisation occidentale. Toutes deux contiennent en effet, même si c'est dans des proportions diverses selon le temps et l'espace, des tendances critiques et méthodologiques et des tendances renvoyant à l'apologétique (islamo-centrisme et occidentalo-centrisme) ». C'est d'ailleurs en réaction aux écrits de la seconde tendance notamment, portés par « l'école d'Alger », et bien que la tradition islamique était déjà, à la veille de 1830, sur le déclin, que des lettrés algériens « d'abord arabisants et nourris à la culture de l'Islah » commenceront à combattre l'idéologie coloniale en produisant, selon Mustapha Haddab « une contre-idéologie, dont la composante historique ne pouvait être efficace que si elle épousait la forme moderne de l'histoire ». 2. Il est aberrant de me faire dire à propos de Mustapha Haddab (et non Haddad) qui est un professeur connu de l'Université d'Alger et qui a produit un gros travail de recherche, notamment sur la production et les lettres en langue arabe de l'époque coloniale, qu'il serait historien et qu'à partir de 1920 (date à laquelle il n'était même pas né !) il s'était appuyé sur la production de l'école d'Alger et avait épousé la démarche moderne de l'élaboration de l'histoire ». Le problème bien entendu ici n'est pas de connaître M. Haddab ou non, mais de prétendre informer le public à propos de données que l'on ne maîtrise pas. 3. Lorsque j'ai parlé du « village planétaire » et du « village colonial », il s'agissait de ne pas perdre de vue le fil conducteur de mon intervention qui ciblait la contribution à la fonction élitaire et intellectuelle des historiens. Mes propos exacts étaient les suivants : « On a durant longtemps considéré que l'historiographie avait comme finalité première la fabrication de « prothèses identitaires ou autres, pouvant amarrer les sociétés à un passé, chaque jour, un peu plus fuyant. En fait, l'histoire est d'abord recherche de liberté, et elle n'interroge le passé que pour comprendre en quoi consiste la nécessité, quelle marge de manœuvre elle nous laisse, et comment nous y engouffrer ? L'histoire nationale sera pratiquée tant qu'existeront les nations. Mais sa fonction n'est pas d'aider à l'enfermement sur soi et à la «bantoustanisation». Elle doit contribuer, à sa manière, à explorer les voies les meilleures pour accéder à un village planétaire qui soit toute autre chose qu'une simple réplique de l'ancien village colonial. Là est le nouvel enjeu pour postuler désormais au statut d'élite ». lorsqu'on lit attentivement ce passage on pourra remarquer que la notion de « village colonial » ne renvoie pas à la pratique des historiens algériens, mais viserait à aiguiser notre vigilance à tous, face à une mondialisation, au sein de laquelle nous ne serions que des composantes passives, et derrière laquelle pourraient se tramer de nouvelles formes de domination. C'est pourquoi les élites notamment, se doivent d'être actives pour mériter leur statut. Avec tous mes remerciements et mes salutations.