Le coup de starter à l'intervention militaire de forces de pays de l'Ouest africain au Nord-Mali a été pratiquement donné par le ministre français de la Défense qui l'a estimée «souhaitable et inéluctable». Le «souhait» français ne se discutant pas vraiment chez la plupart de ces pays, c'est plutôt la faisabilité et la finalité d'une intervention menée par quelques milliers d'hommes des pays de la Cédéao qui soulèvent des questions. Officiellement, le souci majeur est de contrer Aqmi et de l'empêcher de créer un «Sahélistan». Mais une intervention militaire pourrait, dans le meilleur des cas, permettre de reprendre les villes, elle ne résoudra pas le problème posé par Aqmi et les autres acteurs gris du Sahel. Les militaires des pays de l'Ouest africain seront, en attendant une laborieuse et incertaine reconstitution de l'armée malienne, contraints de garder ces villes en forteresse assiégée sans avoir de prise sur ce qui se passe sur le reste du territoire. 3.300 hommes de la Cédéao contre «quelques centaines» de djihadistes, la partie n'est facile qu'en apparence. D'autant que Bamako répugne déjà à collaborer avec les rebelles du MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad) qui errent dans le désert après avoir été éjectés des villes. Il est évident que l'apport du MNLA, dont le poids a été gonflé par la «com» avant d'être dégonflé par les armes, ne sera pas décisif, mais il aurait l'avantage de créer l'apparence d'une implication «locale» dans une telle opération. A plus forte raison quand on constate que les djihadistes bénéficient de ce soutien «local» à travers Ançar Eddine. Ce n'est pas un hasard qu'Aqmi et le Mujao tiennent à montrer que c'est Ançar Eddine qui a la haute main sur le nord du Mali. La mise en œuvre de l'intervention militaire risque de se faire, au vu des incitations fortes qui se multiplient, sans quelques préalables politiques minimaux. L'objectif politique stratégique évoqué, il y a peu, par le Commissaire à la Paix et à la Sécurité (CPS) de l'Union africaine, consistait à favoriser une démarche de négociation et de réconciliation malienne à pousser le MNLA à renoncer à l'option de l'indépendance et à éloigner Ançar Eddine des terroristes d'Aqmi. Les actions des djihadistes - destruction du patrimoine religieux de Tombouctou et lapidation à mort d'un couple - donnent des arguments à ceux qui veulent intervenir sans attendre. Ces derniers prennent soin cependant - à l'instar de la France - de dire qu'il reviendra aux troupes africaines de faire le travail. Le terrain d'une intervention militaire africaine sans préparation politique et sans détermination d'un objectif clair est ainsi balisé. Le nord du Mali et par ricochet le Sahel va entrer dans une nouvelle étape. Si formellement on veut mettre en avant les «forces africaines», il n'en reste pas qu'elles seront «épaulées» par les forces françaises et l'Africom Quelle ampleur ce soutien aura-t-il? C'est l'une des questions de l'équation malienne. L'autre grande question est de savoir quelle sera l'attitude de l'Algérie dont la «doctrine» est contrariée par l'évolution des événements. Se laissera-t-elle entraîner dans l'opération? Choisira-t-elle de rester distante dans une crise qui se déroule à sa frontière?