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SIDI BOUZID TRANSIT
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 11 - 08 - 2012

Les plus fins analystes de la situation tunisienne le disaient - sans qu'ils soient les plus entendus -, le risque pour la transition démocratique en Tunisie n'est pas la polarisation idéologique entre laïcs et islamistes, mais la formidable impatience sociale des plus pauvres. La nuit mouvementée de jeudi à Sidi Bouzid où des affrontements ont opposé des manifestants aux forces de l'ordre vient le rappeler.
La contestation qui a fait «dégager» Ben Ali était principalement à motivation sociale. C'était l'élément déclencheur de la révolution sur lequel des élites, en demande de libertés, ont fait jonction pour ébranler la dictature. Cette donne sociale est restée primordiale et pesante même si, c'est la règle du genre, les excès des groupes salafistes ont eu davantage les faveurs des médias. La transition tunisienne se joue moins sur les débats politico-idéologiques, malgré leur grande importance, que sur la capacité de ceux qui ont la charge du gouvernement à répondre aux demandes sociales. Face à ce regain de contestation à Sidi Bouzid, le mouvement Ennadha a tendance à ne voir qu'un complot des anciens bénalistes qui instrumentaliseraient des délinquants pour créer des problèmes au gouvernement. Les partis d'opposition, de gauche notamment, ont beau jeu de souligner que le gouvernement ne se soucie pas du pays «profond» et déshérité d'où est venue l'étincelle de la liberté. De fait, Ennahdha est, en définitive, plus à l'aise dans les joutes idéologiques que dans le domaine économique et social.
Le désenchantement de la Tunisie profonde, de cet arrière-pays délaissé pendant des décennies au profit de la «côte utile», était pourtant perceptible depuis longtemps. De nombreux Tunisiens ont le sentiment que rien n'a changé et perdent l'espoir que cela puisse changer. Le gouvernement est accusé, souvent de manière excessive, de tous les maux. C'est de bonne guerre. Mais le fait est que les marges de manœuvre de n'importe quel gouvernement tunisien sont des plus restreintes. On ne crée pas des emplois à coup de baguette magique, à plus forte raison quand le taux de chômage tourne autour de 20%. Le déficit budgétaire approche de 5% du PIB au premier semestre et il risque de dépasser sur l'année les 6,6% prévus par le gouvernement. La Tunisie est en train de négocier un emprunt d'un milliard de dollars auprès de la Banque mondiale, la BAD et l'UE. Le gouvernement tunisien peut même faire valoir que les IDE ont repris (500 millions d'euros) et se sont accrus de 45% au cours du 1er semestre. Mais il est clair qu'avec une prévision de croissance, optimiste, de 3,5% on est très loin du niveau requis pour espérer une résorption du chômage (7%).
En Tunisie - et c'est un signe de vitalité -, les débats sont vifs et âpres. Certains, à l'image du ministre des Finances qui a démissionné récemment, reprochent au gouvernement de faire dans le «populisme». D'autres ont des analyses qui disent le contraire. Il y a pourtant une évidence que le président Moncef Marzouki a énoncée - et cela lui a valu des critiques injustifiée - : «La Tunisie n'a pas d'avenir en Tunisie». Cela relève d'un constat économique réaliste. Et de ce constat, il a tiré la conclusion politique juste qu'il faut faire renaître l'idée maghrébine… L'avenir de la Tunisie est dans un Maghreb de citoyens libres. Cela vaut pour l'Algérie aussi… et pour les autres.


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