Tout le monde l'attendait: le rapport de la fondation 'Robert Fitzgerald Kennedy'' ne laisse pas de place au doute: au Sahara Occidental, les droits de l'homme sont le dernier souci des autorités d'occupation. Un camouflet de plus pour la diplomatie marocaine qui a tenté à la fin du printemps dernier de discréditer l'envoyé personnel du SG de l'ONU, le diplomate Christopher Ross, qui avait émis des doutes sérieux dans un sulfureux rapport quant à la volonté de Rabat de respecter les droits de l'homme dans ce territoire qu'il occupe depuis 1975. Le rapport préliminaire de la Fondation Kennedy pour la justice et les droits de l'homme, confirme de fait les multiples violations des droits de l'homme et l'absence de libertés au Sahara Occidental. Appelant en urgence pour l'instauration d'un «mécanisme international permanent afin de protéger les droits de l'homme du peuple sahraoui» ce rapport de 11 pages, en prélude à un autre plus détaillé, a été rédigé après la visite au Sahara Occidental, au Maroc et à Tindouf (24-31 août) de la présidente de la 'RFK foundation'', Mme. Kerry Kennedy, accompagnée d'experts internationaux, dont l'ex secrétaire général de l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), M. Erik Sottas. Le rapport souligne ainsi que si 'les deux parties au conflit (Front Polisario et Maroc) ne sont toujours pas parvenues à une solution sur l'avenir du Sahara occidental, cette situation ne doit pas occulter la question du respect des droits de l'homme''. C'est ainsi que la délégation conduite par Kerry Kennedy souligne avoir rencontré des organisations de la société civile et des personnes de plusieurs villes du Sahara occidental dont El-Ayoun, Dakhla et Smara, qui lui ont fait part des cas de disparitions, de torture, de détentions arbitraires, de brutalités des forces policières, de menaces, d'intimidation et d'exécutions extrajudiciaires. Le rapport note également que la délégation a également reçu des plaintes au sujet de la violation des droits à la liberté d'expression, de réunion et d'association. Et, au cours de sa visite à El-Ayoun occupé, 'la délégation constatait la présence de plusieurs véhicules militaires ou de police stationnés sur presque chaque coin de rue», note le rapport qui souligne que 'la plupart des Sahraouis, avec qui la délégation s'est entretenue, «manifestaient des inquiétudes face aux intimidations suscitées par la forte présence des militaires et des policiers, en uniforme et en civil, qui les suivaient et proféraient contre eux des propos déplacés». Mieux, durant son séjour dans la capitale du Sahara Occidental, la délégation américaine affirme qu'elle avait elle-même «constamment été surveillée par des agents de sécurité marocains en civil». Un incident a en fait montré toute la brutalité policière des forces de sécurité marocaines, lorsqu'une militante sahraouie été tabassée devant les membres de cette délégation, estimant que la police marocaines est allée jusqu'à «tenter d'empêcher la délégation d'être témoin de cet incident en recourant à des agressions verbales et physiques». Le rapport relève ainsi que durant son séjour au Sahara Occidental, la délégation de la RFK Foundation a été témoin de cas flagrants de violations de droits de l'homme par le Maroc, dont une tentative de discréditer le témoignage de la délégation sur l'incident de la militante sahraouie tabassé par la police marocaine, après la diffusion d'un communiqué de presse officiel qui a prétendu que cette «femme sahraouie fut blessée suite à un évanouissement», alors que l'authenticité des photos présentées à un responsable du ministère marocain de l'Intérieur, en guise de preuve, a été arbitrairement réfutée par ce dernier. Pis, même le personnel de l'hôpital qui a permis à la délégation de rendre visite à cette manifestante sahraouie a été menacé de licenciement, souligne encore le rapport, qui a par ailleurs dénoncé les assassinats de militants sahraouis par les forces de sécurité marocaines, ainsi que les nombreux cas de tortures et de disparitions. INQUIETUDES DE ROSS CONFIRMEES ''La préoccupation majeure pour la délégation est l'impunité quasi-absolue pour violation des droits de l'homme» des Sahraouis perpétrée par les forces de l'ordre marocaines, estime encore le rapport. S'exprimant sur la violation des droits des Sahraouis à la liberté d'expression, de réunion et d'association, la délégation rapporte le cas de plusieurs Sahraouis poursuivis pénalement, après avoir été arrêtés et accusés de trahison pour avoir critiqué le gouvernement marocain durant un séjour en Algérie. Par ailleurs, et outre les multiples entraves (agressions, menaces, surveillance ) aux activités des défenseurs sahraouis des droits de l'homme, le rapport américain note que «la délégation a été informée, par des avocats, de harcèlements permanents et des obstacles auxquels ils sont confrontés pour défendre les victimes de violations des droits de l'homme, qui ont été détenues et torturées pour avoir participé à des manifestations pacifiques». Cas extrême: même la délégation américaine et à sa tête Kerry Kennedy «a fait l'objet d'intimidations et de harcèlement qui obstruaient notre capacité à travailler», relève le rapport. La délégation souligne ainsi que durant son séjour à El-Ayoun, elle était «constamment suivie par deux ou plusieurs voitures alors que des policiers en civil avaient tenté de l'empêcher de filmer ou de photographier les scènes de passage à tabac de manifestants pacifiques». 'La présence massive des forces de sécurité, les violations du droit à la vie, à la liberté, à l'intégrité physique, à la liberté d'expression, de réunion et d'association créent une atmosphère de peur et d'intimidation qui viole les règles de droit et le respect des droits de l'homme du peuple sahraoui», affirme encore le rapport de la fondation, qui appelle le gouvernement marocain 'à mettre un terme à ce type de violences qui affectent le peuple sahraoui, qui soutient l'indépendance du Sahara occidental». Ce rapport confirme en fait celui élaboré par le représentant personnel de M. Ban Ki Moon au Sahara Occidental. M. Ross avait notamment mis en relief dans son rapport transmis au SG de l'ONU, la situation déplorable des droits de l'homme au Sahara Occidental et les entraves que rencontre la Mission des Nations Unies pour un Référendum au Sahara Occidental (MINURSO) dans sa mission. Il a notamment recommandé que la mission de la Minurso soit étendue à la protection des droits de l'homme dans ce territoire. Réaction du Maroc: Rabat a annoncé qu'il ne fait plus confiance à M. Ross et demandé à M. Ban de le remplacer. Pour autant, le SG de l'ONU a maintenu dans ses fonctions, à la mi-août, M. Ross, et désavoué la fuite en avant du Maroc dans ses responsabilités internationales, notamment en empêchant depuis 1991, date du cessez-le feu au Sahara Occidental, la tenue d'un référendum pour l'autodétermination du peuple sahraoui.