La mine bon enfant, les pas souples, Ramdane Batouche est jovial dans les méandres matinaux de son site de production historique à Akbou, en face du majestueux mont Gueldamane. Un joli zéphyr souffle sur la vallée. Général Emballage est leader de sa filière en Algérie. Des projets plein l'avenir. A commencer par une entrée en Bourse prévue pour 2014. Ramdane Batouche est l'aîné d'une grande famille d'entreprenants. Dans la vallée de la Soummam tout le monde connait le patronyme. Il fallait donc se faire un prénom. Ramdane s'est lancé dans le sillage de son père, Mohand, à l'âge de 18 ans. Le temps, pourtant, de la «psychose des nationalisations». «Notre première entreprise, Laiterie Djurdjura, a rencontré un grand succès. A l'époque, nous détenions 70% des parts du marché national.» Un partenariat avec Danone en 2001 aurait du porter au pinacle la filière des produits laitiers, mais «le partenariat technologique est très difficile». La cohabitation avec la multinationale s'avère compliquée. Le management s'éloigne de la famille. Ramdane n'est pas genre à se contenter d'un rôle d'actionnaire passif dans son métier historique. Il observe et voit que les besoins de la Laiterie Djurdjura-Danone en cartons sont importants. Une opportunité. La fabrication et la transformation du carton ondulé devient son nouveau destin. L'usine, Général Emballage entre en production en 2002. Grâce au «sérieux», à «la persévérance» et à une pratique managerielle authentiquement participative, l'entreprise va d'abord résister à la bourrasque face au mastodonte Tonic Emballage, avant de se tailler une place de leader sur le marché national. Général Emballage entame désormais une percée dans l'exportation, particulièrement vers la Tunisie. Aujourd'hui, l'entreprise s'est dotée de deux nouveaux sites de production pour ses clients de l'est à Sétif, et de l'ouest à Oran. Elle dispose d'un portefeuille de plus de 1000 clients qui sont en totalité des entreprises. La capacité de production a été portée à 130 000 tonnes par an en 2011-2012 Une 2ème train onduleur est entré en production en 2012. Elle couvre 80% des besoins nationaux en carton ondulé. Le chiffre d'affaires de Général Emballage a encore progressé de plus de 20% en 2011 pour atteindre 4,28 milliards de dinars. «Nous réinvestissons tous nos revenus. En dix ans d'activité, la seule année où l'on a distribué des dividendes à nos actionnaires, c'est en 2011, et elles ne représentaient même pas 1% du chiffre d'affaire» précise Ramdane Batouche. Priorité à la croissance. LA FORMATION CONTINUE AVEC L'UNIVERSITE DE BEJAIA Les clés du succès sont à chercher d'abord dans la modernité du management et la qualité recherchée de la ressource humaine. Sur les 801 employés de Général Emballage, il y a 120 cadres. Filière hyperconcurrentielle, la fabrication d'emballage oblige à la veille technologique et à la mise à niveau perpétuelle des équipes. «La concurrence est une incitation positive. Elle nous pousse à être plus dynamique et à développer nos capacités d'adaptation en permanence.» Une convention a été signée avec l'université de Béjaia pour dispenser des formations «professionnalisantes» dans les domaines de l'emballage, approvisionnement et achat, logistique et transport, et maintenance et informatique industrielle, à des étudiants qui seront directement recrutés par Général Emballage. Des formations spécifiques pour le personnel scientifique et technique de l'entreprise sont également assurées. Le rutilant centre de formation intra-muros est loin d'être l'espace que Ramdane Batouche est le moins fier de faire visiter à ses hôtes. «Cette convention va nous aider énormément. Le fonctionnement de notre usine nécessite une main d'œuvre hautement qualifiée. De plus, il faut absolument que l'on se prépare pour affronter nos futurs concurrents. Nous espérons que la mise en place de cette convention sera facilitée par les autorités.» ENTRE «RESPONSABILITE SOCIALE» ET FOUDRES DE LA BUREAUCRATIE Le site historique de l'entreprise, très bien entretenu et sécurisé, plaide pour la performance. Il offre un climat hautement favorable au travail. C'est la première vitrine de la politique de responsabilité sociale (RS) que souhaite conduire Ramdane Batouche. Entre subventions de clubs sportifs de la région, mécénats culturels en faveur d'associations et d'artistes, l'entreprise se déploie sur son périmètre citoyen. Général Emballage a également participé, récemment, à deux opérations de reboisement dans la wilaya de Bejaia. «Nous évoluons dans un environnement et les matières premières que nous utilisons dans notre industrie proviennent de la nature. Il est donc de notre devoir de protéger cette nature.» Ces sensibilités écologiques ont amené GE jusqu'à récupérer le plus petit des déchets et les exporter en Inde et en Espagne. «La responsabilité sociale» de cette entreprise industrielle a obtenu une certification, suffisamment peu fréquent dans le parc algérien pour être évoqué. «Le plus important, ce n'est pas seulement de gagner de l'argent, mais aussi d'être utile et positif.» Grand employeur et acteur émergeant de l'animation associative dans la vallée de la Soummam Général Emballage attend un pas en retour des autorités. Une dérivation de la voie ferrée vers la zone industrielle ou sont implantés notamment Danone et son rival Soummam- se fait toujours attendre. Ramdane Batouche n'a pas la réputation de lisser son propos lorsqu'il s'agit des obstacles à l'entreprenariat en Algérie. «Il est vrai qu'il existe de mauvais entrepreneurs, mais ce n'est pas une raison pour bloquer tout le monde. Il faut être un hercule pour résister aux foudres de la bureaucratie. Au lieu d'approvisionner mon entreprise au rythme des besoins, de peur de tomber en panne à cause des lenteurs bureaucratiques, nous sommes obligés d'avoir des stocks. Rien qu'en pièces de rechange, j'ai un milliard six cent millions de stock. Quid de la matière première. Tout cela, c'est de l'argent qui dort. Il faut absolument que la confiance entre le gouvernement et les entrepreneurs soit rétablie. Sinon, c'est l'asphyxie générale.» Sur l'agenda de la croissance de Général Emballage, une entrée à la bourse d'Alger en 2014. Mais une fois de plus Ramdane Batouche prends le contre-pied du convenu : «il s'agira moins de lever des fonds que de nous imposer des méthodes de management de pointe».