Chadli Bendjedid est mort hier après-midi à l'hôpital central militaire de Aïn Naâdja. Le troisième président de l'Algérie indépendante, gravement malade, avait été transféré en urgence et placé en soins intensifs. Il est décédé hier en milieu d'après-midi des complications d'une pathologie cancéreuse des reins. Il traînait cette maladie depuis un certain temps, et avait même effectué plusieurs séjours dans des hôpitaux étrangers pour la soigner. Des sources hospitalières avaient indiqué vendredi que son état de santé suscitait l'inquiétude. Né le 1er juillet 1929 à Sebaa, dans la commune de Bouteldja (El-Tarf), il a été adoubé par des officiers supérieurs lors d'un fameux comité central du FLN pour succéder à Houari Boumediene, lui également mort à la suite d'une maladie. Arrivé en 1979 au pouvoir, il a marqué sa présence à El-Mouradia par des décisions importantes: il a d'abord fait sortir de prison Ben Bella, alors assigné depuis 1965 à la résidence surveillée, et, surtout, supprimé la fameuse autorisation de sortie du territoire national. Pour les Algériens, c'était la «délivrance», d'autant qu'à l'époque il n'y avait pas de visas d'entrée en Europe pour les ressortissants algériens. Sur le plan économique, et malgré le second grand choc pétrolier des années 1986, il avait instauré le fameux PAP (plan anti-pénurie) et résisté à la déprime économique née de la chute des cours du pétrole. Puis vint le 5 octobre 1988 et son lot de douleurs pour les victimes et parents de victimes de ces événements sanglants. Au chahut de gamins d'un certain Ali Ammar, alors ministre de l'Information, Bendjedid fera une apparition «choc» à la TV où il versera des larmes et à la suite de laquelle la tension tombe brusquement dans le pays. Il sera dès lors l'instigateur des réformes politiques et l'avènement du multipartisme. Ainsi que l'organisation des premières élections législatives pluralistes de l'ère post-FLN parti unique. Le processus électoral sera interrompu. Et il sera forcé de quitter le pouvoir en 1992. Dans un document historique et académique publié au Japon par deux chercheurs japonais, Kisaichi Masatoshi et Watanabe Shoko, il a livré quelques grands secrets de sa carrière et ce qu'il pensait de la vie politique en Algérie. L'homme aux cheveux blanc à l'allure sportive, qui s'était retiré doucement de la vie politique, s'est également retiré avec modestie. Il sera inhumé demain au cimetière d'El-Alia. Chadli Bendjedid s'est engagé, dès 1954, au FLN, avant de rallier une année plus tard l'Armée de libération nationale (ALN) dans la wilaya II (Constantinois). En 1956, Chadli occupa une responsabilité dans sa région, pour devenir en 1957 adjoint du chef de zone et capitaine chef de zone en 1958. Il fait un bref passage au commandement opérationnel de la zone Nord en 1961 et, une année après, il fut nommé chef de la 5e région militaire (Constantine) avec le grade de commandant. A l'indépendance, en 1963, il supervise le retrait des troupes françaises de cette région avant de prendre le commandement de la 2ème Région militaire (Oranie) le 4 juin 1964. Il fut membre du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA), le 19 juin 1965, après le renversement du président Ahmed Ben Bella. En février 1968, il contrôle également le retrait des troupes françaises de l'Oranie, en particulier l'évacuation de Mers El-Kébir. Une année plus tard, il est promu au grade de colonel. Pendant la maladie du défunt Houari Boumediene en 1978, Chadli Bendjedid est chargé d'assurer la coordination des affaires de la Défense nationale. Désigné secrétaire général du FLN en janvier 1979, à l'issue du 4e congrès, puis candidat à l'élection présidentielle, il fut élu président de la République le 7 février 1979, tout en assumant le portefeuille du ministère de la Défense nationale, jusqu'en juillet 1990, date où il a cédé ce poste au chef d'état-major de l'ANP le général Khaled Nezzar. Réélu au poste de secrétaire général du parti FLN en décembre 1983, Chadli Bendjedid est choisi comme candidat à la présidence de la République par le 5e congrès du FLN pour un second mandat. Il sera réélu président de la République par deux fois de suite en 1984 et en 1989. Au lendemain des événements d'octobre 1988, Chadli Bendjedid engage diverses réformes politiques parmi lesquelles la révision de la Constitution qui consacrera le multipartisme dès février 1989. En juin 1991, il proclama l'état d'urgence sur l'ensemble du territoire national et décida le report des élections législatives du 27 juin de la même année. Après avoir procédé le 4 janvier 1992 à la dissolution de l'Assemblée populaire nationale (APN), Chadli quitte la responsabilité de l'Etat en remettant sa démission le 11 janvier 1992 au Conseil constitutionnel, devant les caméras de la télévision nationale. Durant la période qu'il a passé à la tête de l'Etat algérien, il a été à l'origine de la création de l'Union du Maghreb arabe (UMA) à l'issue d'une rencontre en 1989 à Zeralda entre les dirigeants des pays du Maghreb arabe.