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Blida : «Pourquoi pas moi ?» s'est, un jour, écrié le mouton
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 17 - 10 - 2012

« Pour un bon bélier ? Il ne faut pas escompter payer moins de 5 millions». «Cette année, je ne sais pas ce qui a pris les maquignons, ils demandent toujours plus cher». «Il fallait bien s'attendre à des prix très élevés car, depuis le mois de Ramadhan, nous payons le kilo de viande entre 1.300 et 1.450 DA, donc …», ce sont là quelques réponses que nous avons recueillies auprès de citoyens rencontrés dans les quelques marchés de la Mitidja déjà envahis par une foule assez dense.
En effet, à moins de 20 jours de l'Aïd El-Adha, les Algériens ne comprennent pas encore pourquoi le prix du mouton a atteint, cette année, des cimes jamais égalées, puisque, selon tous ceux que nous avons approchés, la bête qui coûtait, l'année dernière, entre 25 et 30.000 dinars vaut, ces derniers jours, au moins 45 000 DA, c'est-à-dire près du double. Nous avons vu des moutons d'à peine 6 mois d'âge et une carrure moyenne cédés à environ 3 millions de centimes alors que leur prix ne dépassait guère 2 millions, il y a une année. De temps en temps, des camions ou des camionnettes arrivent vers les villes de la Mitidja, chargées de bêtes de différentes tailles, font quelques tours dans les marchés puis disparaissent subitement, repartant souvent avec leur chargement à peine entamé ou encore entier. Beaucoup de citoyens se sont étonnés de la chose et nous avons dû patienter assez longtemps pour comprendre ce qui se passait, du moins dans la plupart des cas. Ainsi, dans un marché assez connu de la région nous avons remarqué l'arrivée d'un camion qui contenait une cinquantaine de moutons, d'assez bonne taille. Il fut aussitôt entouré de plusieurs personnes qui demandaient le prix de tel ou tel mouton mais le propriétaire, instruit par la conjoncture actuelle et par le téléphone portable de ses amis, affichait la barre trop haut : les plus petits sont à 38 000 DA, les moyens à 45.000 et les plus grands à 60.000 DA, aucun rabais ni marchandage ne sont admis. Bien sûr, les éventuels acheteurs sont rabroués par ce ton autoritaire et sûr de lui, certains baissent la tête, attendent un peu, poussent un soupir puis s'en vont après avoir jeté un dernier regard d'envie vers les bêtes, indifférentes, qui broutent tranquillement le foin étalé à leurs pattes.
Quelques minutes passèrent, les gens venaient, demandaient les prix, certains téméraires palpaient une ou deux bêtes à travers les barreaux du camion, essayaient de marchander puis s'en allaient. Après une heure environ, seuls 2 moutons ont été vendus : l'un pour 52 000 DA et l'autre pour 66 000, les deux ne valant pas le prix d'un seul si seulement on revenait è une année auparavant. Soudain, nous remarquâmes deux hommes qui se sont approchés du maquignon et lui demandant de descendre du camion. Il les rejoint et les trois hommes s'éloignent de quelques pas pour commencer une palabre que personne ne pouvait entendre mais tous devinaient que le marchandage était serré. Finalement, ils se serrèrent la main et nous vîmes le propriétaire des moutons revenir vers son camion, fermer la porte arrière et demander à ses deux employés de se mettre à l'arrière pour éviter d'être volé. Devant les regards interrogatifs de tous ceux qui entouraient le camion pour essayer d'acheter le mouton que les enfants attendent, l'engin s'ébranle et, sort du marché à bestiaux, suivi par les deux hommes à bord d'un véhicule utilitaire flambant neuf. Maintenant nous avons compris que ces derniers étaient des revendeurs qui se sont entendus pour acheter tous les moutons qui se trouvaient sur le camion à des prix certainement avantageux pour leur propriétaire mais encore beaucoup plus pour les deux inconnus. Des commerçants au fait des pratiques de ce genre de marchés nous confirmèrent que c'était là une raison de l'augmentation des prix du mouton, mais pas la seule car, d'après certains éleveurs que nous avons rencontrés dans quelques marchés, c'est la loi de l'offre et de la demande qui est maitresse des lieux et comme il y a peu de moutons proposés à la vente, le prix grimpe automatiquement. D'autres se contentent de dire que les prix n'ont pas augmenté uniquement pour le mouton mais pour tous les produits, alimentaires ou autres, donc «ce n'est que justice que celui du mouton y soit indexé» affirment-ils.
Pourtant, nous savons tous que les moutons sont généralement ‘bradés' durant les jours de l'Aïd quand le prix de leur nourriture est élevé mais cette année ce n'est pas le cas, bien au contraire, comme si les éleveurs voudraient imposer leur loi à l'encontre de toutes les valeurs. Mais est-ce seulement les éleveurs qui sont responsables de ces prix trop élevés pour le commun des Algériens ? Il y a aussi ces intermédiaires du genre de ceux qui ont été les acteurs du récit du camion reparti avec sa cargaison. Il reste cependant la grande question qu'il convient de poser : y aura-t-il des gens qui achèteront le mouton malgré son prix exorbitant ? La réponse, du moins actuellement, est quand même étonnante : oui, il y a beaucoup de gens qui achèteront même s'ils affirment que les prix sont hors de portée. Certains se justifient par le fait de faire plaisir aux enfants «pour qu'ils n'envieront pas les voisins», d'autres estiment que c'est une obligation religieuse qu'il faut honorer, quel qu'en soit le prix. D'ailleurs, il n'y a qu'à voir les marchés et la foule qui s'y rend, chaque jour pour se rendre compte qu'il y a des clients et que les prix risquent de grimper encore. Donc, et selon ce que nous constatons, un peu partout, cette année est plutôt exceptionnelle quant aux prix du mouton mais tout à fait normale pour ce qui est des clients.


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