Dans une correspondance de trois lignes, le ministère de l'Intérieur a fait savoir aux membres fondateurs de l'Association nationale de lutte contre la corruption (ANLC), que leur «demande d'agrément» a été refusée pour «non respect des dispositions de la loi 12-06 du 12 janvier 2012, relative aux associations». Signée par Abdelkader Ouali, le secrétaire général du département de Ould Kablia, la correspondance n'apporte aucune autre explication ni justificatif à ce refus d'agrément, ce qui est considéré comme «contraire aux dispositions légales» par Mustapha Atoui, le président de l'ANLC, qui s'exprimait, hier, lors d'une conférence de presse organisée au siège de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH). En fait, comme l'explique M. Atoui, bien avant ce refus, le parcours de création de l'ANLC a été parsemé «d'embûches et d'irrégularités» de la part de l'administration du ministère de l'Intérieur. Revenant sur les circonstances ayant mené à l'idée de création d'une association, Mustapha Atoui explique que les membres fondateurs sont pour la plupart des «citoyens ayant déjà eu des problèmes, pour avoir osé dénoncer des actes de corruption». «C'est de là qu'est partie l'idée de réunir ces gens et donner un cadre légal, afin de renforcer l'action citoyenne de lutte contre la corruption», dit-il encore. Après l'Assemblée générale constitutive du 7 juillet 2012, «un dossier de demande d'agrément a été déposé le 24 du même mois auprès du responsable du bureau des associations au ministère de l'Intérieur», poursuit le président de l'ANLC. «Après vérification du dossier, on nous demande, dans un premier temps, de revoir certaines dispositions des statuts de l'association, dont ses buts. Ce que nous avons fait, et nous sommes repartis le 8 août 2012 pour déposer le dossier qui a été finalement accepté», ajoute M. Atoui. Seulement, l'acceptation du dossier n'a pas donné lieu, comme l'exige la loi sur les associations, à une remise d'un récépissé de dépôt. «Nous allons vous contacter officiellement dans deux semaines», c'est ce que nous a déclaré le responsable du bureau des associations, sans nous remettre de récépissé de dépôt», affirme le président de l'ANLC qui précise qu'à leur sortie du bureau en question, il leur a été affirmé que leur dossier «sera transmis à qui de droit». Enquêtes du DRS, des RG et de la Gendarmerie nationale. Selon Mustapha Atoui, accompagné de MM. Moumen Khelil et Halim Fedal, respectivement SG et SG-Adjoint de l'ANLC, «un mois après le dépôt de la demande d'agrément, la moitié des membres fondateurs (issus de 14 wilayas) ont été convoqués, par téléphone, pour faire l'objet d'une enquête auprès des services du DRS (relevant de l'armée) et des Renseignements Généraux (DGSN), alors que d'autres ont été convoqués aussi par la gendarmerie nationale». Entre temps, «le récépissé n'est pas encore délivré». Et ce n'est que le 29 octobre 2012 que le président de l'ANLC est destinataire de la lettre, objet du refus d'agrément du ministère de l'Intérieur. Autres détails fournis hier, «la correspondance en question, qui est datée du 9 octobre, n'a été postée que le 22 du même mois (le cachet de la poste faisant foi), pour qu'elle nous arrive finalement le 29 octobre», explique M. Atoui. Le président de l'ANLC estime qu'il s'agit d'une «correspondance et non d'une décision de non-agrément car celle-ci doit être dûment justifiée». «Car, ajoute-t-il, comment il nous sera possible de déposer un recours devant le Conseil d'Etat contre ce refus, si aucun argument n'a été avancé par les services du ministère de l'Intérieur». La nouvelle loi sur les associations (n°12-06 du 12 janvier 2012) stipule, dans un de ses articles que «la décision de refus de délivrance du récépissé d'enregistrement doit être motivée par le non-respect des dispositions de la présente loi. L'association dispose d'un délai de trois (3) mois pour intenter une action en annulation devant le tribunal administratif territorialement compétent». Par ailleurs, comme l'explique le président de l'ANLC, la loi n°06-01 du 20 février 2006, complétée, relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, stipule dans son article 11 (chapitre: de la transparence dans les relations avec le public) que «dans le but de promouvoir la transparence dans la gestion des affaires publiques, les institutions, les administrations et les organismes publics sont tenus principalement ( ) de motiver leurs décisions lorsqu'elles sont défavorables au citoyen et de préciser les voies de recours en vigueur». Selon les orateurs, cette décision de l'administration «démontre qu'il n'y a aucune volonté de lutter réellement contre la corruption» et que «le discours sur les réformes n'est destiné qu'à la consommation externe». Les membres de l'ANLC comptent «saisir toutes les instances nationales (le président de la république, le premier ministre, le DRS, partis politiques, associations, et autres personnalités), et internationales (ONU, Transparency International, )», concernant le «refus non justifié» de l'agrément de l'association, affirme Mustapha Atoui. «Nous comptons également poursuivre nos actions de lutte contre la corruption, dans le cadre de la cellule mise en place par la LADDH », a-t-il conclu.