Fatalement, l'option militaire pour régler la crise malienne s'est imposée. Pratiquement soutenue et recommandée par la France notamment, l'intervention militaire au nord du Mali pour en chasser les groupes armés qui se sont installés dans cette partie du pays, a été avalisée par le sommet de la Cédéao, qui s'est tenu dimanche dans la capitale du Nigeria, Abuja. Ce seront dans un premier temps et pour un an, 3.300 soldats d'une force internationale «africaine» qui sera donc envoyée au Mali pour reconquérir le nord du pays. «Nous prévoyons 3.300 soldats pour une durée d'un an», a annoncé le président ivoirien, président en exercice de la Cédéao, Alassane Ouattara, à l'issue de ce sommet qui a réuni des dirigeants des 15 pays membres de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et de quelques autres pays africains, dont le ministre délégué aux Affaires africaines et maghrébines, M. Abdelkader Messahel. Cette force africaine sera constituée prioritairement des pays membres de la Cédéao mais pourrait également être fournie par d'autres Etats non membres, a-t-il dit. «Nous avons des pays qui offrent des bataillons, d'autres des compagnies. Il y a, bien sûr, le Nigeria, le Sénégal, le Niger, le Burkina Faso, nous avons également des pays comme le Ghana (...), le Togo», a-t-il dit, citant des pays membres de la Cédéao. M. Ouattara a également mentionné d'autres pays non membres, «le Tchad, également, pourrait participer» et «nous avons eu des contacts avec d'autres pays : la Mauritanie, l'Afrique du Sud», a-t-il dit. En fait, ce sont les autorités maliennes qui avaient, le 24 septembre devant l'ONU, demandé une intervention militaire de la Cédéao pour l'aider à reconquérir le Nord, passé sous le contrôle d'Al-Qaïda au Maghreb islamique et d'autres groupes armés, notamment le Mujao, Ansar Dine. Les chefs d'Etat de la Cédéao espèrent maintenant que le Conseil de sécurité des Nations unies donne son feu vert à cette intervention internationale, fin novembre ou début décembre. «Nous nous sommes entendus notamment sur la composition de la force, les termes de référence de ses missions, le volume de son effectif, la durée de son mandat et les modalités du déploiement des troupes. Il n'y a désormais plus d'équivoque sur la question», a indiqué M. Ouattara à la fin de ce sommet. Quant au financement de cette force d'intervention, il sera assuré par les Nations unies. «Une fois que le Conseil de sécurité aura validé tous ces dispositifs, la question du financement relèvera plutôt des Nations unies et donc les tours de table vont se faire comme d'habitude». Bien sûr, M. Ouattara a mis un «bémol» à cette intervention, évoquant une volonté commune de donner une chance à la paix par le dialogue». Pour beaucoup, la Cédéao a ainsi franchi un pas important vers une guerre sans fin au Sahel, sous le couvert de la lutte contre les groupes armés qui l'infestent, sans tenir compte de la voie politique qui consiste à discuter avec les groupes armés prêts à négocier un retour à la légalité dans le pays. Une position en fait fortement appuyée par la France, qui veut en découdre «par délégation» avec les groupes armés qui infestent le Sahel et mettent à mal ses intérêts dans la région. C'est d'ailleurs à Paris que le soutien à l'armée malienne sera conçu lors d'une réunion, jeudi, de ministres de cinq pays européens (France, Allemagne, Italie, Pologne et Espagne) pour discuter de la mise sur pied d'une mission européenne d'entraînement qui compterait au moins 200 soldats. L'Algérie et plusieurs pays africains, qui avaient fortement travaillé pour un règlement politique de la crise malienne, afin d'éviter une guerre sans fin avec beaucoup de dégâts collatéraux et des discussions directes avec certains groupes armés touaregs pour les amener à déposer les armes, sont ainsi court-circuités par les «va-t-en-guerre africains». Pour le groupe rebelle touareg Ansar Dine, la décision de la Cédéao remet les compteurs à zéro. «Nous avons donné sa chance à la négociation pour éviter le pire», a déclaré le chef de la délégation d'Ansar Dine présente à Ouagadougou, Algabass Ag Intalla, craignant que la Cédéao n'ait pas la même «volonté» de discuter. L'intervention du président nigérien, Issoufou, sur les colonnes du quotidien le Figaro résume la situation et la mentalité des chefs d'Etat de la Cédéao: «Si on les laisse faire, les djihadistes ne s'arrêteront pas en Afrique de l'Ouest. Leur objectif, c'est l'Europe. Qui tient l'Afrique tient l'Europe». Pour lui, »la non-intervention au Nord-Mali serait bien pire qu'une intervention» militaire. Il ajoute: «Il faut que l'opinion française comprenne que l'intervention au Mali est nécessaire pour protéger l'Europe et pour éviter que les troubles qui ont gagné le monde arabe se propagent en Afrique». En fait, la crise malienne, sinon au Sahel, ne fait que commencer.