Alors que la peine maximale est fixée à 30 ans de réclusion, certains des 4 accusés en état de récidive risquant même la perpétuité, des peines de 5 à 10 ans de prison et 10.000 euros d'amende ont été requises, ce lundi à l'encontre de 14 hommes jugés devant les assises du Rhône, pour contrefaçon de monnaie algérienne. Le réquisitoire de 3 heures de l'avocat général, comprendre le procureur de la République, Bernard Rabatel a insisté sur la gravité de l'affaire, soulignant que « c'est la première fois qu'on réalise, en France, une si grande quantité de fausse monnaie sur du papier fiduciaire authentique ». Si pour la justice française, cette affaire relève purement du grand banditisme, du côté algérien, on essaye de lui donner une toute autre portée soupçonnant les commanditaires de vouloir « abuser le grand public et à l'amener à perdre confiance dans une coupure pivot » de l'économie algérienne, avait expliqué, dans la matinée de ce lundi, Nassir Abbas, représentant de la Banque d'Algérie qui s'est constituée en partie civile. «C'est une affaire sans précédent. D'habitude, les billets contrefaits sont fabriqués de façon très artisanale ou il s'agit de montants relativement faibles. Là, c'est très différent car les rouleaux volés permettaient d'imprimer l'équivalent de 2,5 milliards d'euros». Les déclarations de Rémi Chaine, l'autre avocat de la Banque centrale d'Algérie, lors de l'ouverture du procès, renseignent sur le caractère exceptionnel d'un réseau de faussaires qui aurait pu faire vaciller l'économie algérienne, pour peu que l'ensemble des faux billets ait été mis en circulation à l'intérieur du pays. Selon des spécialistes de la confection de billets, appelés à la barre pour témoigner, l'affaire de Lyon n'est pas courante puisqu'elle se distingue par sa haute technicité due principalement au fait que les faux-monnayeurs présumés disposaient d'authentique papier fiduciaire. Les Lyonnais ont hérité de 4 des 22 bobines de papier braquées à Marseille, en 2006. Fabriquées en Allemagne, ces bandes de papier, prêtes à l'emploi, dotées de tous les signes de sécurité, étaient destinées à la Banque d'Algérie. L'autre fait notable de ce procès, ce sont la pression et les menaces de mort, à l'encontre d'un des accusés et de ses proches au cours de l'enquête, selon l'avocat général. Il a ainsi rappelé comment l'un des principaux accusés, Antoine Alcaraz, 63 ans, était « revenu sur certaines de ses dépositions » incriminant le trio des Marseillais, jugé à ses côtés, « parce qu'il était terrorisé », à la suite de menaces contre son fils, contraint de se réfugier au Brésil. Les peines les plus lourdes, 10 ans de prison, ont été requises à l'encontre de Serge Soddu, 52 ans, et Thierry Del Peloso, 46 ans, 2 des 3 Marseillais qui comparaissent libres et sont accusés d'avoir monté ce vaste réseau de contrefaçon. Ils ont constamment nié les faits. M. Rabatel a réclamé 8 à 10 ans de prison pour le troisième, Jean-Charles Cima, l'instigateur de ce trafic démantelé, fin 2009, par la P.J. lyonnaise. Il a demandé une peine identique contre l'Italien Claudio Scalpellini dont l'Italie a refusé l'extradition, et qui est accusé d'avoir fourni l'encre fluorescente et la numérotation, rendant ces faux billets indétectables. De 8 à 10 ans ont également été requis à l'encontre d'Antoine Alcaraz, qualifié de tête pensante du réseau et de son principal complice, Michel Curt, impliqué, lui, dans les échanges de faux billets contre les rouleaux de papier fiduciaire et contre Thibault Chocat, 24 ans, considéré comme le pivot de l'affaire. L'avocat général explique qu'« avec Alcaraz, c'est le technicien, il va recruter les deux frères imprimeurs dont il est le seul interlocuteur et il s'était engagé sur 21 bobines ». Seules 2 bobines seront contrefaites. Deux autres seront saisies dans cette affaire alors que « beaucoup d'autres restent dans la nature », ajoutera-t-il. « On a une grande inquiétude sachant qu'il reste encore 40 rouleaux dans la nature», avait dit Rémi Chaine. Concernant les deux imprimeurs, il a demandé respectivement 6 à 7 ans contre Frédéric Dunand, et 5 ans pour son frère Olivier, le seul dans ce dossier à avoir un casier judiciaire vierge. Les plaidoiries de la défense ont commencé hier pour se poursuivre aujourd'hui alors que le verdict est attendu pour ce jeudi soir.