Depuis l'apparition de ses problèmes de santé, Bouteflika n'a qu'une hantise, celle de rester maître du jeu concernant le choix de celui à qui va échoir la succession quand arrivera l'inéluctable moment où il devra passer la main. Son imagination fertile lui a fait concevoir différents scénarios susceptibles de rendre possible une succession à sa convenance. A l'ébauche de chacun de ces scénarios, il a constaté que ses visées soulevaient des oppositions et qu'Ahmed Ouyahia était compté parmi les personnalités nationales sur lesquelles elles pouvaient miser pour mettre en échec son projet. Déjà que Bouteflika s'est d'emblée à son arrivée au pouvoir méfié du personnage, sa méfiance à son égard lui a ensuite insufflé l'obsession de l'éliminer en tant que recours possible pour la course à la succession. Pour y parvenir sans s'attaquer frontalement au cercle du pouvoir qui « maternait » sa bête noire, il lui a dans un premier temps suscité un rival en terme de prétendant à être candidat à la succession. En la personne de Belkhadem dont le rôle dans ce casting a été de jouer le « bourourou » qui par sa prétention à un destin national devait affoler les « sponsors » d'Ouyahia. Rôle que le secrétaire général du FLN a parfaitement rempli à l'avantage de Bouteflika puisque, nous en sommes convaincus, cela lui a permis d'obtenir le lâchage d'Ouyahia en contrepartie de la prochaine neutralisation de Belkhadem. Il ne faut pas en conséquence s'étonner si sous peu ce dernier est à son tour remisé au placard. L'habileté et le machiavélisme politique de Bouteflika ont consisté à faire apparaître comme une probabilité inévitable la candidature de Belkhadem à la magistrature suprême en sa qualité de chef du plus important parti du pays. Les « redresseurs » qu'on a mobilisés contre celui-ci ont échoué à chasser Belkhadem de son poste qui a bénéficié contre eux de l'appui décisif et insurmontable du locataire du palais présidentiel. L'échec a contraint les cercles effrayés par l'éventuelle candidature de Belkhadem à s'en remettre à Bouteflika pour décider comment se décidera la succession dont sera exclu l'actuel secrétaire général du FLN. Dans ce deal, il a été convenu que Ouyahia sera lui aussi écarté. Ce ne sont pas donc les pressions de ses détracteurs à l'intérieur du RND qui ont eu raison de leur désormais ex-« patron », mais son lâchage signifié par ceux qui ont été derrière son ascension aux plus hautes marches du pouvoir d'Etat. Pour aussi bien initié aux arcanes du pouvoir qu'il est, Ouyahia a commis le péché de naïveté comme ce fut le cas pour Ali Benflis de croire que le rapport de force aux seins des cercles décideurs est toujours en faveur de ses protecteurs. La stratégie de « l'épouvantail » déployée par Bouteflika a parfaitement joué auprès de ceux-ci au point de leur faire admettre pour acceptable toute succession dont sera écarté le « bourourou » qu'il a instrumentalisé. Pendant trois années, Belkhadem a servi à focaliser sur lui et sa prétendue ambition présidentielle débat politique et controverse, pour uniquement imposer la conviction que seul Bouteflika est en mesure de se mettre en travers de cette ambition. Ouyahia ramené à sa dimension d'homme politique sans envergure, Belkhadem a accompli la mission pour laquelle il a été programmé. Le FLN ne va pas être « redressé » mais normalisé pour rester dans la « maison de l'obéissance » où malgré ses airs de grenouille voulant se faire plus grosse qu'un bœuf, Belkhadem l'avait ramené. On peut tout reprocher à Belkhadem mais pas d'avoir mal joué son rôle d'épouvantail qui a donné les frayeurs sur lesquelles Bouteflika a bâti sa tactique de conservation du pouvoir à son profit et à celui de son clan.