Leur départ du gouvernement risque de confronter Belkhadem et Ouyahia à la reprise et l'élargissement dans leurs partis respectifs de la fronde qui vise à leur retrait du poste directionnel qu'ils y occupent. A tort ou à raison, leurs détracteurs décoderont en effet leur éviction de l'exécutif gouvernemental comme signal de la fin de la protection présidentielle qui aurait permis à l'un et à l'autre de contenir la vague contestatrice qui les vise. Il est vrai que l'appartenance de ces deux personnalités aux précédents gouvernements dans des postes clefs a beaucoup contribué à dissuader nombre de leurs détracteurs à rejoindre ouvertement les frondeurs activistes. Une prudence inspirée par la crainte que leur engagement au côté de ces derniers peut leur attirer les foudres présidentielles au cas où le départ de Belkhadem et d'Ouyahia à la tête du FLN et du RND ne figurerait pas dans les calculs politiques de Bouteflika. En les remerciant, Bouteflika ne pouvait ignorer qu'il a offert ainsi à leurs adversaires l'argument qui légitimerait aux yeux de ces derniers leur basculement dans l'opposition qui cherche à les évincer des directions du FLN et du RND. Belkhadem et Ouyahia n'ont pas fait mystère de leur ambition à postuler à briguer la magistrature suprême. Comme on dit, ils y pensent chaque matin en se rasant. Or c'est là une ambition qui quand elle s'affiche est mal vécue presque partout par l'homme d'Etat en exercice. Même quand il s'agit de celle de personnalités lui ayant fait acte d'allégeance et étant comptées parmi son cercle de fidèles. Bouteflika développe plus que d'autres chefs d'Etat cette phobie des successeurs annoncés. Aussi, il n'est pas totalement exclu que sa décision d'écarter du gouvernement les deux prétendants potentiels à sa succession a procédé de son intention de leur «savonner» le chemin conduisant à la candidature à la fonction suprême. En apparence, les deux hommes étant dorénavant libres de se consacrer exclusivement à leurs responsabilités partisanes, ils devraient être en position de conforter leur autorité sur les partis qu'ils dirigent et prétendre au statut de candidats naturels de ces formations pour l'échéance présidentielle de 2014. Mais pour peu que le décryptage de leur départ du gouvernement soit celui de leur lâchage, ils vont devoir s'attendre à une charge brutale de la part de leurs contestataires impossible à neutraliser si elle a en sous-main la bienveillante voire même encourageante sympathie du cercle présidentiel. En se retrouvant face à des remous organiques, les deux prétendants potentiels seront fragilisés ce dont les «faiseurs de rois» prendront comme raison pour resservir la ficelle du candidat du «consensus» suscitant moins d'irrévocables oppositions partisanes. En dehors du fait qu'ils souffrent d'un manque flagrant de popularité et de charisme, qu'ils sont décriés pour être coresponsables du bilan calamiteux du pouvoir des deux décennies écoulées, Belkhadem et Ouyahia ont peut-être commis la faute impardonnable de dévoiler trop tôt leur ambition présidentielle et ainsi offert à ceux qui veulent en contrecarrer la réalisation d'échafauder la stratégie à employer pour lui faire échec.