Edward Snowden, l'auteur des fracassantes révélations sur Prism, est un personnage de roman. C'est «l'espion qui est allé au froid» ! Il est, pour l'heure, coincé dans un coin de l'aéroport de Moscou grâce à une formidable pression organisée par les Etats-Unis pour l'empêcher d'avoir une terre d'asile. Beaucoup se passionnent pour le personnage. Les médias aussi. Comme si le «suspense» entretenu sur son sort servait à atténuer l'ampleur des révélations sur le Big Brother planétaire qui écoute tout le monde. Pas seulement, les millions d'ennemis potentiels mais aussi les «citoyens» et les amis. Des experts commencent d'ailleurs à monter au créneau pour banaliser les choses ; et même pour suggérer un tantinet méprisant que le gigantisme du système mis en place par la NSA, son ambition de tout écouter est si démesurée que cela ne présente pas d'intérêt sérieux pour le «renseignement». Rien de grave ? Ceux qui abusent démesurément de la formule «théorie du complot» pour balayer toutes les questions, y compris les plus évidentes et les plus justes, ont intérêt à jouer sur la fiction. Bien sûr, c'est «naturel» que la NSA espionne les Iraniens, les Palestiniens, les Arabes tous des «terroristes potentiels» qu'il faut suivre, pister, saisir leurs murmures même les plus anodins. S'en offusquer serait faire preuve d'angélisme et de manque de sens des réalités. Que la première cyber-guerre majeure - et inaugurale - ait été lancée avec le virus Stuxnet contre l'Iran conjointement par les Etats-Unis et Israël n'était pas un «complot». C'est juste la «liberté» qui se défend contre les méchants. Ceux qui s'en offusquent sont, of course, soit des adeptes de la théorie du complot ou pire des «défenseurs des mollahs». On s'y fait au pense-bête et aux clichés. On a appris depuis longtemps que la démocratie au-delà des limes, c'est ce que décident les Occidentaux et non pas les citoyens. Mais voilà que des citoyens américains et des amis européens sont espionnés comme des Arabes ! Que les diplomates européens deviennent des «cibles à attaquer» et qu'il faut espionner. Et alors, il y a «complot ou non» ? La réponse coule presque de source en filigrane de ce qu'on lit et entend : il n'y en a pas. Ou alors le seul complot qui existe est celui qu'aurait fomenté Edward Snowden en faisant ces révélations. Tout comme Bradley Mannings, l'informateur de Wikileaks. L'Empire ne complote jamais. Il est puissant, a des outils et en fait joujou. Il défend un ordre, des intérêts et, au fond, ses chefs pensent que les victimes n'ont que ce qu'elles méritent. Pour rester dans l'ordre du roman noir, on est dans la logique du psychopathe qui commet ses crimes uniquement parce qu'il «peut le faire». Des citoyens américains ont écrit que ces informations ne font pas encore des Etats-Unis un pays totalitaire mais qu'ils peuvent le devenir. Mais les choses finiront par rentrer dans l'ordre. L'Empire est persuasif. Le sort de Snowden est très secondaire. Obama peut terminer son mandat, c'est un grand «patriote» qui fait mieux que Bush. Ceux qui continueront de parler de Prism, de Big Brother, de surveillance et, aussi, de manipulations seront catalogués dans la case infamante des adeptes des théories du complot.