La suspension des négociations avec Bamako annoncée par la coordination des mouvements targuis et arabes de l'Azawad n'est pas une surprise. Elle est juste un rappel que rien n'est réglé au Mali même si l'intervention française a dispersé les djihadistes vers le Sud libyen et dans d'autres pays de la région du Sahel. Un rappel pour Bamako où les politiciens, avant et après l'élection présidentielle, continuaient à croire que l'intervention militaire française a réglé leur «problème». Rien n'est plus faux. Cette intervention a peut-être donné un répit à Bamako, elle n'a pas réglé un problème que les gouvernements maliens successifs ont géré de manière catastrophique jusqu'à aboutir à la perte du Nord au profit des djihadistes. L'intervention militaire française a créé une contrainte chez les mouvements du Nord qui ont œuvré à ne pas gêner la France, pressée «d'en finir» par la tenue d'une élection présidentielle. Les accords d'Ouagadougou conclus sous la direction du précédent président laissaient ouverte la négociation sur un nouveau statut pour le nord du pays. Le Mouvement national de la libération de l'Azawad avait fait le pas, absolument nécessaire, d'un renoncement à l'indépendance et d'inscrire ses revendications dans le cadre de l'intégrité territoriale du Mali. Bamako n'a pas fait de pas similaire. Le nouveau président Ibrahim Boubacar Keïta ne se sentant pas engagé par les accords d'Ouagadougou a refermé complètement la partie en indiquant que ni l'indépendance, ni le fédéralisme ou l'autonomie n'étaient sur la table des négociations. A l'évidence, le président malien table sur le rapport de forces militaires sur le terrain où il peut compter sur une armée française encore présente et un dispositif onusien qui s'installe. Sur le court terme, c'est un calcul qui peut se tenir, les mouvements rebelles du Nord ne pouvant, sans risque politique, mettre fin au cessez-le-feu actuel et reprendre le chemin de l'action armée. La fermeture de l'option «autonomie» met la coordination des mouvements de l'Azawad dans une situation où il n'y a rien à négocier. L'idée d'une «amélioration de la décentralisation» prônée par Bamako est aussi vieille que les crises à répétition dans le nord du Mali. L'Algérie est bien placée pour le savoir puisqu'elle a été médiatrice durant des processus engagés en 1991 et en 2006 qui ont échoué par absence de volonté politique de régler le problème. L'afflux des djihadistes a trouvé de ce fait un terrain propice favorisé, il est vrai, par une armée malienne démobilisée et gangrenée par la corruption. On semble être, à nouveau, dans le cycle de l'échec. Pour les mouvements du Nord, ce que prône Bamako est un statuquo renforcé par une présence militaire encore plus grande. Et, dit le MNLA, plus agressive. Sans aller jusqu'à la reprise de la lutte armée, qui reste en option puisque ces mouvements n'ont pas désarmé, les mouvements ont choisi de suspendre les négociations et de mettre la médiation burkinabé devant ses responsables. Pour le MNLA, la dérive est au bout si Bamako ne corrige pas sa «trajectoire» dans les «meilleurs délais». En refusant d'envisager une réforme sérieuse de l'Etat de manière à intégrer les populations du Nord, Bamako peut escompter «gagner du temps» en raison de la présence de forces étrangères qui dissuadent le retour à la guérilla. Mais on ne gagne jamais du temps à occulter un vrai problème.