Il y a eu des scènes de guerre à Tombouctou avec une bataille rangée entre des djihadistes qui ont attaqué en plusieurs points de la ville et des militaires maliens. La partie a pris fin au matin avec une intervention de l'aviation française qui a bombardé le réduit où se retranchaient les djihadistes. Ces attaques ont ciblé un hôtel où loge le gouverneur de la région, un camp militaire et le marché central. L'événement suscite de l'intérêt car il ne s'agit pas d'un simple attentat mais d'une opération militaire assez élaborée menée par des djihadistes présumés en fuite dans les régions montagneuses du massif des Ifoghas, au nord-est du Mali. Cet événement et d'autres confirment que rien n'est encore réglé au Mali même si l'on présume établi que les djihadistes ont subi des pertes importantes. Les groupes djihadistes et Ansar Eddine œuvrent ainsi à conserver un niveau d'activisme, parfois clairement suicidaire, en vue de maintenir une pression et une présence. Mais, selon toute probabilité, ce ne sont qu'une partie des éléments qui agissent, le gros des troupes djihadistes se cache ou se perd dans la nature. Mais les actions menées dans les régions de Gao et de Tombouctou maintiennent une pression alors que les Français veulent entamer le retrait avant de remettre le flambeau à une force de l'Onu. Ces djihadistes ont tissé des liens au sein d'une partie de la population et cela ne peut que les aider à entretenir une situation d'insécurité suffisante pour mettre les troupes déployées à cran. Mais ce qui rend la «reconquête» du nord du Mali problématique est le fait que le présumé processus de «réconciliation nationale» reste très brumeux. Les exactions, avérées et documentées par des ONG, de l'armée malienne contre les populations du Nord assimilées délibérément aux «terroristes» sont venues confirmer toutes les appréhensions. Les officiels de Bamako persistent à ne voir dans le Mouvement national de libération de l'Azawad - qui a pourtant mis un bémol à sa vision indépendantiste - qu'un groupe terroriste, semblable à Ansar Eddine. Le ministre de la Défense malien vient d'ailleurs de lui imputer la mort d'une vingtaine de personnes dans une région où le MNLA affirme ne pas agir car se trouvant «hors de l'Azawad». L'intervention française a changé la donne militaire, elle n'a pas changé la nature des problèmes qui opposent Bamako aux populations du Nord. Mourad Medelci a qualifié la situation au Mali de «préoccupante». En réalité, il y a une impasse politique que l'activité militaire tend à cacher. Pour les dirigeants de Bamako, même s'ils sacrifient formellement aux demandes externes, l'intervention militaire a réglé le «problème du Nord», ce qui reste relève de «l'intendance», c'est-à-dire la reconstruction d'une armée défaite, toujours divisée et qui ne brille pas par sa discipline. Il n'y a pas encore de signe clair que les dirigeants de Bamako, militaires et civils, sont disposés à aller vers une négociation politique «pour tracer les éléments de base du nouveau Mali ». Tous les acteurs maliens ont le doigt sur la détente.