Le Syndicat national des forces de sécurité intérieure tunisiennes, qualifié d'important, est monté au créneau en demandant au gouvernement, dominé par les islamistes, de faire le ménage au sein du ministère de l'Intérieur. Une démarche qui n'est pas une première, car les syndicats policiers de Tunisie ont régulièrement dénoncé le manque de moyens pour lutter contre la mouvance islamiste armée. Dans un communiqué diffusé dans la nuit de vendredi à samedi, ce syndicat, qui revendique 40.000 membres sur les quelque 60 à 70.000 policiers, gendarmes et pompiers que compte la Tunisie, menace tout simplement le gouvernement du Premier ministre, Ali Larayedh, «d'autres formes de revendications et de manifestations», sans toutefois les préciser, si des directeurs généraux du ministère de l'Intérieur nommés «sur la base de leur allégeance aux islamistes d'Ennahda» ne sont pas limogés. Le syndicat réclame également «la réintégration des cadres de la sécurité intérieure limogés après la révolution de janvier 2011» et la libération des agents «injustement emprisonnés dans les affaires en relation avec la révolution». Un ultimatum de 48 heures est donné au gouvernement menacé aussi d'une action en justice contre M. Larayedh accusé de laxisme dans la mort de gendarmes et de policiers dans des attaques djihadistes enregistrées ces derniers mois. Rappelons que les forces de l'ordre, surtout la police, très puissante en Tunisie, étaient au cœur du régime de Zine El-Abidine Benali. La répression à l'époque visait tout particulièrement les islamistes d'Ennahda. Jeudi dernier, les funérailles des six gendarmes tués mercredi par un groupe armé dans la région de Sidi-Bouzid ont été l'occasion pour des milliers de personnes de réclamer le départ d'Ennahda accusé de laxisme face au terrorisme. Ces menaces interviennent une semaine après la manifestation organisée par ce syndicat qui a chassé le président Moncef Marzouki et le Premier ministre d'une cérémonie officielle d'hommage à deux gendarmes tués par un groupe djihadiste mais surtout elles ont pour fond de décor le lancement de négociations entre pouvoir et opposition dans un climat tendu. Lancés ce vendredi, les pourparlers réunissant islamistes au pouvoir et opposants ont la lourde tâche de résoudre en un mois une profonde crise politique qui met en péril l'avenir même de la Tunisie. Hier, les parties en conflit devaient entrer dans le vif du sujet avec la reprise des travaux de la Constituante. L'opposition avait assujetti ce dialogue national à l'engagement par écrit de Ali Larayedh de former dans trois semaines un cabinet apolitique avec à sa tête un nouveau chef de gouvernement qui doit être désigné, lui, d'ici une semaine. Un comité chargé de composer la future équipe gouvernementale devait se former dans la nuit de vendredi à samedi. Hier, c'était au tour de la commission d'experts chargés de finaliser le projet de Constitution, en cours d'élaboration depuis deux ans, de voir le jour. De son côté, les activités de l'Assemblée nationale constituante (ANC) devraient reprendre avec le retour de la soixantaine d'élus d'opposition qui boycottaient ses travaux depuis l'assassinat du député d'opposition Mohamed Brahmi. La commission en charge de sélectionner les candidats pour composer une instance électorale indépendante devait aussi se réunir dans l'après-midi d'hier. L'ANC a, quant à elle, sept jours, selon la feuille de route rédigée par les médiateurs, pour former cette commission qui aura la responsabilité d'organiser les prochaines élections législatives et présidentielles. Cette tentative de sortie de crise intervient alors que le pays fait face à une montée de la violence armée attribuée à Al-Qaïda.