Après le coup d'Etat et la répression sanglante qui l'a suivi, les généraux égyptiens «jugent» le président Mohamed Morsi. C'est un procès politique dans tous les sens du terme. Le préposé à la parole aux Affaires étrangères du gouvernement mis en place par le général Sissi ne croit pas lui-même à l'affirmation qu'il a faite sur le fait que le président déchu a «droit à un procès libre et juste». Ce n'est même pas de l'humour, juste un discours de bureaucrate tenu de dire quelque chose. Dans la réalité, la justice égyptienne est une fiction, elle est aux ordres. Elle ne fait qu'émettre a posteriori des actes destinés à légaliser les décisions de l'appareil militaro-policier qui a repris les choses en main. Des milliers de personnes ont été arrêtées en Egypte dans un climat de délation et leurs droits élémentaires ne sont pas respectés. Le fait qu'une partie des Egyptiens, travaillés par des médias qui n'honorent pas leur métier, soutienne la répression ne la justifie pas. Les généraux égyptiens sont dans une stratégie de rétablissement total du système Moubarak, il est vrai avec l'aval de courants politiques de gauche ou libéraux. Sans doute ces derniers ont-ils l'illusion de pouvoir jouer des rôles plus importants que ceux que les putschistes prévoient pour eux. Mais il est clair qu'il n'existe aucune place pour la politique quand le parti qui a gagné les élections est banni et ses membres traqués. C'est un état de guerre intérieure permanent qui est créé et cela ne laisse pas de place à la politique. La seule «politique» autorisée est de soutenir le général Sissi et ses prétentions, peu cachées, à la fonction présidentielle. Pour rester dans le primaire : c'est lui qui a enlevé Morsi, donc c'est à lui de prendre la place. L'humoriste Bassem Youssef a fait l'objet de poursuites judiciaires sous Morsi pour son émission «Al-Bernameg». Il n'a jamais été censuré. Il vient de l'être après sa première émission sous le régime Sissi. La chaîne CBC channel où il travaille a pris la décision de «suspendre» l'émission car les «producteurs et le présentateur contrevenaient à la politique éditoriale de la chaîne». Pas besoin de trop chercher en quoi consiste la «politique éditoriale» de la chaîne : Sissi, Sissi. Exit donc Al-Bernameg, il n'y a que le programme de Sissi qui marche dans une Egypte où les médias sèment la haine et la discorde. Toute une élite instruite a décidé que le peuple égyptien est «inapte» à la démocratie et qu'il faut confier le pays à un «homme à poigne». Le tout sur fond de discours nationaliste exacerbé avec des références, très insincères, à Nasser. Tout va pour le mieux pour le général Sissi même si l'Egypte va mal. Il a les soutiens internes qu'il faut. Et il a eu, à la veille du procès contre Morsi, la visite du secrétaire d'Etat américain John Kerry qui a vu des «signes d'un retour à la démocratie». Les quelques vagues appels à ce que la transition inclue «toutes les parties» sont à prendre pour ce qu'ils sont : du discours de remplissage.