Deux semaines après avoir créé un «gouvernement local » en Cyrénaïque, des miliciens défenseurs du fédéralisme ont annoncé la création d'une compagnie pétrolière pour commercialiser le pétrole et d'une Banque régionale. Un pas de plus vers la désintégration de la Libye, alors que le pouvoir « central » est complètement désarmé et évoque la possibilité d'une intervention étrangère. Les «fédéralistes» - ou «séparatistes», selon Tripoli de l'est libyen, l'ancienne Cyrénaïque, défient, ouvertement, un gouvernement libyen, impuissant et tenté de recourir aux puissances étrangères, pour se faire entendre en Libye. Après avoir proclamé, le 24 octobre dernier, sur fond de blocage des terminaux pétroliers, la formation d'un «gouvernement» de la Cyrénaïque, avec Barka comme capitale, ils passent à une autre étape, en annonçant la création d'une compagnie pétrolière pour commercialiser, directement le pétrole ainsi qu'une Banque régionale pour la Cyrénaïque. Le chef de ce gouvernement autoproclamé, Abd-Rabou al-Baraassi, a annoncé la création de la Compagnie de pétrole et de gaz dont le siège temporaire est établi dans la ville de Tobrouk (Est). Vendredi 8 novembre, des miliciens ont pris le contrôle de plusieurs ports de la région, notamment celui de Tobrouk, via lequel la National Oil Corporation' effectuait des livraisons de brut vers les pays européens. C'est clairement une escalade, face à un gouvernement incapable de reprendre le contrôle d'un pays tombé entre les mains des milices, après avoir été «libéré» par l'Otan. Le gouvernement libyen avait accusé, mercredi dernier, des compagnies de chercher à acheter du pétrole libyen, en dehors des canaux officiels. Il avait menacé, sans être vraiment pris au sérieux, de recourir à la force contre les contrevenants. ZEIDAN MENACE D'UNE INTERVENTION ETRANGERE ! Le Premier ministre libyen, Ali Zeidan, ne semble d'ailleurs, voir de solution, à la mainmise des milices, que dans une nouvelle intervention étrangère. Dimanche, au cours d'une conférence de presse, tenue trois jours après de nouveaux affrontements entre milices à Tripoli, Ali Zeidan a agité la possibilité d'un nouveau recours aux armées occidentales. «La communauté internationale ne peut pas tolérer un Etat, en pleine Méditerranée, qui est source de violences, de terrorisme et d'assassinats...», a déclaré M. Zeidan, en appelant la population à « descendre dans la rue (...) et soutenir la construction d'une armée et d'une police», a-t-il ajouté. «L'arme» de Zeidan contre les milices est le fait que la Libye est toujours sous la résolution du chapitre VII de la Charte des Nations unies, qui permet à la Communauté internationale d'intervenir pour protéger les civils. La Libye, en plein chaos, s'offre ainsi une nouvelle particularité, avec un chef de gouvernement qui menace d'un recours aux armées étrangères, pour combler son incapacité à mettre au pas les milices. Mais il n'est pas sûr que cette « menace » fonctionne. Dans le chaos libyen où grenouillent, fortement, les services secrets et de faux et vrais djihadistes, il n'est pas certain que l'unité de la Libye soit un souci majeur des puissances occidentales. Ce qui se passe à l'Est, avec la montée en puissance des « fédéralistes » pourrait être perçu comme une «opportunité». IBRAHIM JODHRANE, CHEF MILICIEN, «PATRON» DE LA CYRENAIQUE Des miliciens, en charge de la surveillance des installations pétrolières, bloquent, depuis fin-juillet, les principaux terminaux pétroliers du pays, Zoueitina, Ras Lanouf et Al-Sedra, situés dans l'est libyen. 60% de la production pétrolière du pays se trouvent dans la région et c'est le chef milicien, Ibrahim Jodhrane, qui en a le contrôle. A la tête de plusieurs milliers de miliciens qui occupent les terminaux, Ibrahim Jodhrane, s'est autoproclamé « président du Bureau politique » de la Cyrénaïque et c'est lui qui a poussé vers la formation d'un gouvernement local. Ce «gouvernement» local avait annoncé, aussi, la création d'une «Force de défense de la Cyrénaïque» et annoncé une division administrative de la région en quatre provinces. Abd Rabou al-Baraassi avait affirmé que la création d'un gouvernement local vise à une «meilleure répartition des richesses». A l'évidence, ils ont décidé de se «servir», directement, et de mettre en place les structures pour cela. Cette perte de contrôle des terminaux pétroliers et pas seulement à l'Est puisque, récemment, une milice amazighe a occupé le terminal gazier de Militah (100 km à l'ouest de Tripoli) et fermé le gazoduc vers l'Italie - a coûté très cher. Les pertes sont estimées à 13 milliards de dollars et la Libye est en train de puiser dans ses réserves de change. La compagnie pétrolière libyenne, la NOC, estime la production à, seulement, 250.000 barils/jour, contre près de 1,5 million b/j, avant juillet.