« Une fête du Mawlid Ennabawi Echarif sans pétards ? Vous n'y pensez pas vraiment ?», a répliqué sèchement à notre question un père de famille rencontré, hier, au marché populaire de Souika devant un stand de vente de pétards, de bougies et accessoires propres à cette fête. Et d'ajouter : «De retour à la maison sans les pétards et le reste, je n'aurai jamais le courage d'affronter les enfants qui préfèrent, entre tout, ces jeux pyrotechniques tonitruants dont l'explosion les fait éclater de joie. Et si cette joie est absente de la fête, celle-ci serait triste». Se mêlant à la conversation, une femme d'un certain âge, vêtue d'une m'laya noire et d'un voile blanc, la tenue traditionnelle de sortie des femmes de Constantine devenue aujourd'hui très rare, a posé la question sur le terrain religieux, en affirmant que ces derniers jours, elle avait entendu dire que des religieux ont déclaré que fêter le Mawlid était illicite (haram). «Haram, et puis quoi encore ?», a-t-elle demandé. Nous célébrons cette fête depuis des siècles et selon nos us et nos traditions. Et l'Imam Benbadis lui-même nous recommandait de célébrer cette fête. Et voilà maintenant que des gens sortis on ne sait d'où viennent nous dire que c'est haram. Et le premier client d'enchaîner, tout heureux, d'avoir trouvé un allié providentiel pour développer son argumentation. «Si nous cessons de fêter le Mawlid comme nous l'avions toujours fait, nos enfants, c'est-à-dire les futures générations, risquent tout simplement d'oublier cette fête, de ne plus se rappeler la date de naissance de leur prophète». Et il faut dire que nous n'avons trouvé hier personne pour dire qu'il ne faut plus célébrer la fête du Mawlid Ennabawi, du moins de cette façon «explosive». Enfin, malgré la cherté des produits et à trois jours de la fête prévue pour le mardi 14 janvier, Souika est envahie tôt le matin par une foule nombreuse qui se bouscule devant les étals bien achalandés des marchands de fruits secs et des confiseries en cette double occasion de la célébration du Mawlid et Yennayer (aujourd'hui 12 janvier). Si pour ces derniers produits, les prix sont très abordables «parce qu'ils n'ont pas subi d'augmentation», nous dit un marchand, ceux des produits pyrotechniques ont subi pratiquement une augmentation dépassant parfois les 50% par rapport à l'année passée. «C'est à cause des nombreuses saisies subies par les fournisseurs sur les routes nationales», a précisé le marchand. Il en est ainsi des chandelles pour la fête dont le paquet de 2 kilos renfermant entre 70 et 72 unités est proposé à 480 dinars. «Maintenant, le même paquet coûte 1200 dinars. Et encore, si l'on en trouve!», ajoute-t-il, en expliquant que la cause de cette flambée est provoquée par l'arrêt de production de cet article par l'usine algéroise qui fournit tout le pays. En dépit de ces aléas, les fournisseurs clandestins assurent que la marchandise provenant de l'importation existe en grande quantité. C'est ce qui ressort d'une conversation que nous avons surprise à un stand entre un vendeur et un intermédiaire qui approvisionne les stands généralement tenus par des jeunes. C'est également le cas pour les pétards dont les prix ont atteint les cimes. «Mais les gens n'hésitent pas et achètent quand même», nous a expliqué un revendeur en citant le cas, incroyable, de pères de famille qui achètent, chacun, pour des sommes allant de 4 à 5 millions de centimes, les produits pyrotechniques (pétards, fusées, etc.) pour leurs enfants afin de leur permettre de commencer à faire la fête bien des jours avant la date officielle.