L'utilisation des produits pyrotechniques est très répandue en Algérie lors de la célébration de la fête du Mawlid Ennabaoui, malgré leur interdiction par la loi, étant potentiellement dangereux, notamment pour les enfants.Le décret n°63-291 du 2 août 1963, portant interdiction de la fabrication et de la vente des pétards et articles pyrotechniques, stipule que la fabrication, l'importation et la vente sur le territoire national des pétards et de tout article pyrotechnique sont prohibées. Le même décret précise que le jet des pétards sur la voie publique est également interdit. Un rapide tour du côté du marché Tnach (12) à Belouizdad (Alger) permet, pourtant, de constater l'engouement suscité par ces produits malgré leur cherté. Si le paquet de 40 pétards et celui de nawallat (cierges magiques) sont cédés respectivement à 70 et 50 dinars, le prix de certains types de feux d'artifice atteint les 150 dinars, voire les 250 dinars pour les plus puissants.«Tout dépend de leurs effets lumineux et de leur portée et du temps qu'ils mettent à brûler», explique un jeune vendeur, ajoutant que certaines «fusées» émettent des feux multicolores.Plus loin, à Djamaa Lihoud, dans la Casbah, les vendeurs de produits pyrotechniques sont très nombreux. Ils proposent diverses gammes de pétards, feux d'artifice et fumigènes, dont certains coûtent pas moins de 3 000 dinars. Approchés, certains vendeurs, après insistance, déclarent avoir acheté leur marchandise chez des «grossistes», qui eux-mêmes s'approvisionnent auprès de réseaux important clandestinement ces produits pyrotechniques de pays asiatiques.Sur l'emballage de la quasi-totalité de ces produits, il est aisé de lire des mises en garde : «Les étincelles qui tombent de cet artifice peuvent, éventuellement, brûler un article délicat», «le cierge magique contient du nitrate de baryum, un produit très dangereux» ou encore «l'utilisation de ce produit doit s'effectuer conformément aux réglementations relatives à la protection de la sécurité publique et de l'environnement». Selon des sources médicales, des personnes ayant reçu un pétard en plein visage ont perdu un œil, alors que d'autres, à cause de la peur provoquée par la détonation, ont vu leur taux de glycémie monter en flèche à tel point que l'amputation d'un de leurs membres inférieurs est devenue inévitable. Un médecin affirme redouter cette période dans la mesure où «le service des urgences est mis à rude épreuve».Des enseignants rapportent que, dans des établissements scolaires, des élèves trouvent un malin plaisir à «terroriser» leurs camarades et leurs enseignants pendant la récréation, voire en plein cours.Selon un bilan de la Protection civile, cinq personnes ont été gravement blessées à Alger (notamment aux yeux et aux membres supérieurs) lors de la célébration du Mawlid l'année dernière. 30 foyers d'incendie ont été, en outre, signalés dans la capitale. D'un point de vue religieux, le docteur Kamel Bouzidi, enseignant de sciences islamiques à l'université d'Alger, met l'accent sur le fait qu'il est «paradoxal» de prétendre suivre la sunna du prophète (QSSSL) et, dans le même temps, porter préjudice à autrui en le blessant où en lui causant une infirmité. «Il ne faut pas, en outre, perdre de vue que l'utilisation exagérée de ces produits peut être assimilée au gaspillage, prohibé par la religion», a-t-il ajouté.Pour les parents, l'achat de produits pyrotechniques est motivé par le désir de faire plaisir à leur progéniture. «Je ne peux pas empêcher mes enfants de fêter le Mawlid comme le font traditionnellement leurs semblables, c'est-à-dire en allumant des pétards», confie Ali, un quinquagénaire, père de quatre enfants. Ce père de famille affirme toutefois que la nuit précédant le Mawlid (durant laquelle l'usage des produits pyrotechniques atteint son paroxysme), il surveille ses enfants car il craint pour eux le comportement «irresponsable» de certains adolescents.El hadja Farida, une octogénaire, estime, de son côté, que la frénésie des produits pyrotechniques et les nuisances sonores qu'ils engendrent ont dénaturé cette fête religieuse et l'ont éloignée de sa dimension spirituelle. «Le Mawlid devrait être l'occasion de se réunir entre familles et voisins dans un esprit de fraternité et de solidarité autour d'un plat de couscous ou de rechta comme le veut la tradition», dit-elle. APS