On a beaucoup reproché, parfois de bonne foi, à Mouloud Hamrouche d'avoir un discours crypté et qu'il faut un décodeur pour le lire. Il sera difficile de continuer à lui en faire le reproche après son intervention, hier, au forum de Liberté. Son message est d'une grande netteté, sans équivoque. La crise est très grave, elle est dans sa «phase aiguë». Ceux qui sont en mesure d'impulser le mouvement du pays hors de l'impasse sont désignés : le président Bouteflika, les généraux de corps d'armée Gaïd Salah et Mohamed Mediene. Le message sur la gravité de la crise et les risques qu'elle fait peser sur le pays n'est pas destiné à affoler mais à inciter à l'action. Car la très vieille démarche du système qui consiste à «gagner du temps», en réalité à le faire perdre au pays, ne marche plus. La crise a besoin d'une réponse «maintenant» car le «temps n'est plus un allié». La réponse est d'autant plus urgente qu'il y a un risque «d'embrasement» si le «bon sens» ne l'emporte pas. Au sein du régime, le «semblant de consensus de 1992 est rompu» et cela peut déraper si l'on n'agit pas pour sortir de l'impasse. L'armée est concernée car elle a donné une «forme de légitimité au groupe qui gouverne» et elle est donc «plus que partie prenante dans l'élaboration d'un nouveau consensus national». C'est une réponse à ceux qui font mine de croire, comme Saïd Sadi récemment, que l'armée est hors du coup et qu'il ne faut pas «l'impliquer» dans les affaires politiques. Tout comme à ceux qui, à l'instar d'Ahmed Ouyahia, martèlent que «la transition, c'est fini», comme si le système en place n'était pas en crise et que les institutions fonctionnent réellement. De l'autisme politique sur un terrain devenu mouvant et susceptible de dégénérer. Ceux qui ne se voilent pas la face et ont le souci réel de la «stabilité» du pays savent qu'il faut une transition. L'idée, malgré la langue de bois de ceux qui invoquent la «stabilité» pour défendre un immobilisme de régression, fait son chemin dans ce qui reste de vie publique. Mais il n'est pas certain qu'elle ait fait son chemin chez les détenteurs du pouvoir. Tout le monde sait qu'une transition vers un système démocratique ne peut se faire sans l'appui de l'armée et celle-ci est représentée par ses chefs officiels. Certains trouveront surprenante la comparaison faite par Mouloud Hamrouche entre Bouteflika, Gaïd Salah et Toufik et les «trois B» de l'histoire algérienne, Krim Belkacem, Lakhdar Bentobal et Abdelhafid Boussouf. Mouloud Hamrouche étant peu enclin à la flatterie, c'est sous l'angle de la responsabilité à assumer au regard de l'acuité de crise que la comparaison doit être appréhendée. EN REALITE, C'EST UNE INTERPELLATION QUI LEUR EST FAITE D'ETRE A LA HAUTEUR DES RESPONSABILITES. KRIM BELKACEM, ABDELHAFID BOUSSOUF ET LAKHDAR BENTOBAL ONT EU «A UN MOMENT CRUCIAL DE NOTRE HISTOIRE» LA RESPONSABILITE DE NEGOCIER AVEC LE COLONISATEUR. AUJOURD'HUI, CES TROIS HOMMES SONT DANS UN AUTRE MOMENT CRUCIAL PLACES DEVANT LEUR RESPONSABILITE DE DEVOIR «PRENDRE DES DECISIONS COURAGEUSES». LA SOLUTION A DONC UNE «ADRESSE», ELLE PASSE PAR «CES TROIS HOMMES» QUI «PORTENT LA RESPONSABILITE DE CE QUI VA SE PASSER». MAIS ILS DOIVENT S'EXPRIMER POUR LE CHANGEMENT ET «NE PEUVENT PLUS REPETER DES OPTIONS QUI ONT ECHOUE : ILS DOIVENT S'ENGAGER SUR LA PRESERVATION DE L'IDENTITE NATIONALE, DE LA SECURITE NATIONALE ET DE L'ELABORATION DE L'ETAT MODERNE».