Les résultats financiers des banques algériennes sont, ces dernières années, en progression régulière. On connaît la situation florissante des banques privées. On sait moins si le même constat est valable pour les banques publiques. Des taux d'intérêt élevés seraient-ils l'une des explications de cette rentabilité ? La bonne santé financière affichée par les banques d'Etat contraste avec les performances globales d'un secteur bancaire algérien qui continue d'être affecté par de nombreux handicaps. Les principaux d'entre eux ont encore été évoqués récemment par une personnalité aussi peu suspecte d'hostilité à leur égard, qu'est l'ancien Délégué général de l'ABEF, M. Abderrahmane Benkhalfa : le développement trop lent des réseaux a poussé le premier ministre M. Sellal à leur adresser une instruction, relayée par la Banque d'Algérie, leur intimant quasiment l'ordre d'ouvrir de nouvelles agences, surtout dans les villes de l'intérieur du pays. Les instruments de paiement modernes sont peu utilisés et la monétique algérienne s'est arrêtée au stade du retrait, ne connaissant encore pratiquement pas la monétique de paiement. En dépit de la croissance récente des crédits immobiliers, les crédits aux ménages sont encore peu développés et ont été plombés par la suspension du crédit à la consommation intervenue en 2009. Enfin, les retards accusés par la mise en place et le caractère encore embryonnaire d'activités comme le leasing ou le capital investissement, créées également sur une injonction des pouvoirs publics à partir de 2008, sont révélateurs d'une diversification insuffisante des produits proposés aux entreprises. ENCORE LE COMMERCE EXTERIEUR Comment, dans ces conditions peut-on expliquer que la quasi-totalité des banques publiques réalisent des bénéfices aussi confortables ? La piste du financement des opérations d'un commerce extérieur florissant a été évoquée régulièrement au cours des dernières années pour expliquer la forte croissance de la rentabilité des banques algériennes. Cette explication semble surtout valable pour les banques privées, qui jouent dans ce domaine un rôle très supérieur à celui que suggère leur capitalisation ou leur part dans les actifs bancaires, et dont plus des deux tiers des engagements (69% en 2011 et 2012) sont constitués, au cours des dernières années, par des crédits à court terme. DES TAUX D'INTERET ELEVES L'explication de la rentabilité des banques par le niveau des taux d'intérêt qu'elles pratiquent est plus neuve. Elle est tout aussi éclairante, particulièrement pour les banques publiques, dont près de 70% des engagements sont constitués de crédit à moyen et long terme. Dans une analyse publiée par un quotidien national, un universitaire algérien, M. Nour Meddahi, qualifie la différence entre les taux d'intérêt pratiqués sur les crédits et la rémunération des dépôts d'«exorbitante». Elle placerait, selon les statistiques de la Banque mondiale, l'Algérie «dans la même catégorie que l'Albanie, l'Arménie ou l'Ouganda». Un écart encore accentué par le fait que la plus grande partie des ressources, collectées à vue, par les banques publiques n'est pas rémunérée du tout. La situation est d'ailleurs encore pire dans le cas des banques privées, où l'écart entre les taux d'intérêt créditeurs et débiteurs peut atteindre jusqu'à 7%. Ces dernières pratiquent des taux d'intérêt encore plus élevés que leurs consœurs du secteur public, du fait qu'elles n'ont pas accès aux ressources des déposants institutionnels, comme Sonatrach ou les caisses de retraites, et rémunèrent les dépôts à terme à des taux compris entre 3 et 4%. Les taux d'intérêt créditeurs des banques privées atteignent couramment des niveaux qui se situent entre 9 et 11,5%. «LES BONS CLIENTS PAYENT POUR LES MAUVAIS» Un point de vue que n'est pas loin de partager un autre expert comme Omar Berkouk, dernier invité en date de Radio M, la web radio de Maghreb Emergent, qui soulignait également le caractère particulièrement élevé des marges pratiquées par les banques algériennes en attirant l'attention sur «les diverses commissions qui s'ajoutent couramment au taux d'intérêt facial pour donner des marges supérieures à 12 ou 13%». Le PDG de Humilis Finance, Lyés Kerrar, propose une analyse plus nuancée. Pour lui, le problème essentiel ne se situe pas dans le niveau des taux d'intérêt mais plutôt dans la gestion du risque de crédit par les banques. Ces dernières, les banques publiques en particulier, font face en raison d'une gestion défaillante du risque crédit, à des niveaux d'impayés élevés qui ont pour résultat que «les bons clients doivent payer pour les mauvais». Conclusion quasi unanime des experts consultés : «les banques algériennes, par manque de concurrence, font facilement beaucoup de bénéfices sur le dos des épargnants et des entrepreneurs». Une situation qui aurait des conséquences néfastes en décourageant l'investissement des entreprises. Particulièrement ceux des entreprises privées qui n'ont pas accès aux taux bonifiés pratiqués ces dernières années par une institution comme le FNI en faveur des plus grandes entreprises publiques.